Comment séparer l’info utile des bruits?

IMG_0298Par Fidelity

L’investissement est un défi énorme et perpétuel de traitement de l’information. À l’ère de l’Internet, avec son abondance d’informations et de nouvelles financières, il est très difficile pour les investisseurs de séparer les infos pertinentes susceptibles de faire bouger les cours des actions de ce que l’on pourrait qualifier de « bruits » inutiles.

Le bruit est un bavardage non désiré et non contrôlé dont la valeur informative est négligeable. Pour un scientifique, le bruit peut masquer des signaux authentiques ; pour un musicien, il est confus, dénué de raffinement et chaotique ; et pour un investisseur, il est superflu et sans importance.  Dans l’ensemble, le bruit cache les vérités et idées importantes et sape la structure sous-jacente des authentiques rythmes, modèles et mélodies.

Mais le véritable danger du bruit, c’est qu’il est intéressant. Le bruit nous attire en raison de notre curiosité innée : nous sommes poussés à y répondre et à l’étudier. Beaucoup d’entre nous choisissent de vivre dans l’effervescence des villes et le pouvoir d’attraction du bruit est donc manifeste. Le fait que le bruit soit abondant et susceptible de nous distraire pose un problème particulier aux investisseurs.

La quantité de bruit qui vient polluer le monde de la finance a très vite évolué. Ces 20 dernières années ont été marquées par une expansion massive de la consommation d’informations. En 1986, l’Américain moyen consommait l’équivalent de 40 journaux d’information par an et créait 2,5 pages de contenu (par le téléphone, la télécopie et la poste). En 2007, la consommation d’information était passée à 174 journaux et la création de contenu à 6 journaux entiers (par les réseaux sociaux, les blogs et la photo numérique). Aujourd’hui, la consommation de chaque Américain est estimée à 3,6 zettabytes d’information par jour – un zettabyte correspondant à un milliard de trillons d’octets.

La croissance exponentielle de l’information a causé une augmentation disproportionnée du bruit. En investissant, il est devenu de plus en plus difficile de séparer les idées authentiques du raffut constant des bavardages sur le marché à court terme. Le bruit est omniprésent dans les journaux, sur les sites Web et les chaînes de télévision financières produisant une analyse quotidienne des marchés et des actions. Toutefois, l’essentiel de ce bavardage sur les marchés en hausse et en baisse n’est pas particulièrement instructif. Nous aide-t-il à décider des actifs que nous devons acheter et conserver durant les 10 prochaines années ? Pas vraiment. Seule une analyse fondamentale rigoureuse des économies, des secteurs d’activité et des entreprises peut nous permettre de nous faire une idée du monde et il est alors très important de bien séparer ce riche filon d’information des bruits du marché dénués de valeur.

Lorsque le bruit augmente, il devient difficile d’en filtrer les idées et informations utiles

par défaut 2014-10-05 à 12.15.34Bruit

Information

Vérités fondamentales utiles

Le bruit peut en fait surcharger et déséquilibrer nos prises de décisions. Nous souffrons de l’Information Fatigue Syndrome (IFS) lorsque notre capacité à absorber l’information a atteint ses limites et que nous ne pouvons plus nous concentrer, revenant au système émotionnel 1 (plutôt qu’au système rationnel 2) de prises de décisions en raison des pressions exercées sur notre mémoire à court terme. Ce syndrome se manifeste également par un comportement phasé ou multitâches qui réduit notre productivité et notre compréhension du fait que nous faisons ou examinons beaucoup plus de choses mais beaucoup moins bien.

Nous sommes forcés d’accepter que le bruit est aussi présent dans l’investissement que dans notre vie de tous les jours. L’information doit être identifiée et traitée pour en extraire les bruits et séparer l’utile du superflu. La perspicacité naît de la capacité d’interprétation dont les investisseurs peuvent alors faire preuve. C’est essentiellement la perspicacité (en général combinée à la patience) qui conduit à de bonnes décisions d’investissement.

C’est en faisant les cinq distinguos suivants que l’investisseur pourra identifier le bruit :

  1. 1.              Important ou superflu

Nous devons filtrer les informations importantes et laisser passer les informations superflues. L’information a une valeur, le bruit n’en a aucune et peut donc être ignoré. Le travail d’un investisseur est d’examiner les facteurs fondamentaux du changement dans les paramètres des entreprises sensibles au prix tels que la croissance des bénéfices.

  1. 2.              Faits ou émotions

Nous devons faire abstraction des réactions émotionnelles provoquées par les mouvements du marché. La crainte et la cupidité sont considérablement amplifiées par le bruit. Nous devons chercher à réagir avec patience et sérénité et établir les faits au lieu de réagir de façon émotionnelle.

  1. 3.              Long terme ou court terme

Le bruit est toujours du bavardage à court terme. Il se caractérise par la mode, l’éphémère et les coups de chance. À court terme, une pièce peut tomber 20 fois de suite sur pile, mais la probabilité entre pile et face sera à long terme de 50-50. Il existe de nombreuses études universitaires (telles que Le triomphe des optimistes de Dimson, Marsh and Staunton) qui affirment que les meilleurs moteurs du rendement des actions à long terme sont le rendement des dividendes plus la croissance réelle des dividendes. En dépit de l’évidence à long terme du succès de ces stratégies du rendement des dividendes, les investisseurs peuvent souvent être séduits par des caprices bruyants à court terme.

  1. 4.              Simple ou complexe

La simplicité fait moins de bruit que la complexité car le bruit manque d’endroits où se cacher. S’il existe plusieurs raisons de faire une chose, il n’est pas toujours bon de la faire. Dans son livre intitulé Antifragile, Nicholas Naseem Taleb note que les décisions très solides ne nécessitent qu’une seule bonne raison. Y ajouter d’autres raisons peut nous rendre plus sûrs de nous mais cela rend-il obligatoirement notre décision plus performante ? De même, il n’existe souvent dans le domaine de l’investissement qu’une seule et bonne raison d’investir dans une stratégie ou une action.

  1. 5.              Proactif ou réactif

Plus vous vous montrez réactif aux marchés, plus le bruit prend de place dans vos décisions. Une approche proactive et systématique de l’investissement minimise le bruit car elle nous permet d’identifier ce qui revêt pour nous de l’importance et de nous concentrer sur ces questions fondamentales. Nous pouvons éviter de nous laisser piéger dans une attitude automatique d’écoute et de réaction à ce que les autres pensent être important.

Si nous avons alors une meilleure idée de ce qu’est le bruit, comment l’éviter en tant qu’investisseur ? Nous devons en premier lieu chercher à identifier les vérités fondamentales, qui sont de solides constatations pouvant nous aider à étayer par plus de conviction  nos décisions d’investissement. Deuxièmement, nous devons adopter une approche systématique de l’investissement pour éviter de réagir aux aléas du marché. Troisièmement, nous devons acquérir des connaissances plus solides et plus profondes sur les questions d’investissement en lisant des livres et revues se concentrant sur les aspects fondamentaux de l’investissement plutôt qu’en nous laissant chaque jour influencer par les blogs, qui ne se préoccupent que des bruits à court terme. Enfin, nous devons cesser de surveiller de façon obsessionnelle les hausses et les baisses des cours sur le marché, car cela ne peut que nous pousser à prendre des décisions basées sur nos émotions.

En résumé, le bruit est dénué d’importance, émotionnel, éphémère, complexe et réactif. Pour minimiser le bruit, nous devons rechercher les vérités fondamentales en identifiant les informations importantes, et séparant les données objectives des données émotionnelles, en abandonnant le court terme au profit du long terme, en optant pour la simplicité au lieu de la complexité et en adoptant une attitude proactive plutôt que réactive. « Nous pensons vouloir des informations mais nous voulons en fait des connaissances. »  – Nate Silver.

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