Respect pour les droits humains: quel rôle pour les investisseurs !

Source: Pixels
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Par Petercam

A quelques jours de la journée des droits de l’Homme, une table ronde intitulée: « respect pour les droits humains: quel rôle pour les investisseurs » était organisée.

Une fois n’est pas coutume dans le monde plutôt masculin de la finance : trois femmes et un modérateur. Et trois scandinaves dans un auditoire parisien !

L’engagement de la Scandinavie est fort d’acualité, aussi bien par le biais de ses entreprises que de ses investisseurs. Faut-il rappeler la liste noire des sociétés exclues à l’investissement pour cause d’allégations fortes en droit social et humain du fonds norvégien du pétrole et reconnue comme référence par les investisseurs éthiques ?

Il faut dire que pour les investisseurs le risque est triple. D’une part, le risque réputationnel, pour l’entreprise impliquée. Mais aussi pour l’investisseur dès lors impliqué indirectement et d’autre part le risque économique et financier, la violation de droits humains représentant une forte raison de dévalorisation du titre.

L’atteinte à la réputation et les impacts financiers et opérationnels qui en résultent en sont, en général, les conséquences principales, les amendes monétaires étant moindres. Le monde de l’investissement doit intégrer un nouveau concept d’analyse financière : non plus le ratio P/E pour « price to earnings » (cours boursier sur résultat) mais pour « Price to Ethics » (cours boursier sur approche éthique).

Les investisseurs scandinaves engagés préconisent avant tout le dialogue avec le gérant d’actifs et l’entreprise coupable de violation. L’engagement peut être coopératif afin d’avoir plus de poids, comme il est maintenant aussi possible via le mécanisme Clearing House des Principes des Investissements Responsables sponsorisé par les Nations Unies (UNPRI). Désinvestir dans l’entreprise est le moyen utilisé en dernier ressort en cas d’échec de la procédure d’engagement.

Alors qu’on dénombre 35,8 millions de personnes victimes aujourd’hui d’esclavage moderne, il n’est pas désuet de se rappeler la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948.

D’ailleurs, la consultation de la lettre journalière de l’ONG Human Rights Watch démontre par sa variété et son internationalisation, que de nombreux progrès sont toujours à faire pour garantir ces droits élémentaires.

Les abus de droits humains sont divers. Le graphe ci-dessous montre la hausse des controverses liées au respect des droits humains.

par défaut 2014-12-12 à 16.29.39Au-delà des problématiques de chaînes d’approvisionnement, souvent liées à des formes d’esclavage moderne ou de discrimination sociale comme l’interdiction du droit d’association, le respect des communautés reste toujours problématique, notamment dans les secteurs agricoles ou les industries du secteur extractif.

OUI, les investisseurs ont un rôle à jouer. Le Rana Plaza, l’incendie de cet immeuble au Bangladesh révélant l’esclavage de l’industrie textile, en est un bel exemple avec la campagne Clean Clothes Campaign. Les investisseurs et les entreprises se sont engagés à améliorer les conditions de travail y compris à faire pression sur le gouvernement afin d’assurer un salaire minimum aux ouvriers.

Le scandale des crevettes en Thaïlande a également dévoilé l’esclavage sur les bateaux de pêche et la responsabilité des entreprises – ici agro-alimentaires – vis-à-vis du contrôle de leur chaîne complète d’approvisionnement.

L’intégration de la chaîne d’approvisionnement dans les politiques d’engagement des entreprises est de plus en plus sous la loupe des investisseurs. Ces derniers ne veulent pas se rendre complices de violation de droits et adoptent de plus en plus le principe de Savoir, Observer, Alerter, Influencer et Remédier.

Un indice pour se référer !

De plus, les investisseurs peuvent désormais se référer à un indice sur les droits humains. Annoncé le 1er décembre dernier à Genève lors du 3e forum des Nations Unies sur les droits humains, l’indice Corporate Human Rights Benchmark a pour objectif d’offrir un cadre référentiel de problématiques matérielles liées au non-respect des droits humains. En collaboration avec le groupe de travail sur la question des Nations Unies, il offre également une base de données transparente aux investisseurs et aux entreprises. L’indice se concentre dans un premier temps sur les 500 plus grandes sociétés dans les domaines les plus exposés au risque de violation des droits de l’homme : l’agriculture, l’appareillage, la technologie d’information et de communication et l’industrie extractive.

Des législations pour plus de transparence

De plus en plus de pays exigent des entreprises – généralement cotées – un rapport sur les politiques mises en place sur la question des droits humains, avec une approche souvent dite de « comply  or explain » soit être conforme ou justifier.

Les sociétés font face donc à un niveau de conformité de plus en plus exigeant. Soit elles sont capables de répondre de la qualité, la compréhension et l’intégration de leur politique en la matière, soit si elles ne se déclarent pas, elles devront rendre des comptes notamment devant la société civile. Ces différents points peuvent être aussi l’objet d’un dialogue engagé avec les investisseurs responsables.

Pareille législation vers davantage de transparence existe déjà au Royaume Uni pour les sociétés cotées, en France pour les sociétés cotées et celles comptant plus de 500 employés, en Suède pour les sociétés publiques, au Danemark, pour les entreprises publiques, les sociétés cotées et non cotées en fonction de leur taille. Une fois de plus, les pays scandinaves montrent l’exemple…

En avril 2013 la Commission Européenne a adopté une proposition de Directive, actuellement à l’étude par le Parlement Européen, qui obligera les 18.000 plus grandes sociétés européennes à publier leur rapport non financier sur base du principe « comply or explain », en incluant l’information sur les droits humains, la diversité, la lutte contre la corruption et autres indicateurs clés ESG.

Alors qu’une large majorité des pays du monde a ratifié les principaux traités des droits humains (principalement au nombre de neuf), la violation de ces droits élémentaires est quotidienne et courante dans plusieurs régions et les autorités internationales semblent manquer leur agenda à plusieurs reprises.

Que ce soit le manque d’égalité pour les femmes dans le monde islamique ou la persécution des dissidents religieux ou politiques, les exemples sont nombreux pour nous rappeler le besoin criant de défense des droits humains.

L’autoritarisme politique gagne du terrain en Russie, Turquie, Hongrie et Vénézuela. Même l’Europe et les Etats-Unis, considérés comme grands défenseurs modèles des droits humains, ne sont pas à l’abri. La crise de la dette en Europe a nourri des mouvements extrémistes de xénophobie notamment envers les communautés musulmanes. Aux Etats-Unis, les évènements du 11 septembre ont faire renaître des pratiques de torture dans certaines prisons et ailleurs. Et l’indice mondial d’esclavage recense 1500 personnes dans notre pays, victimes d’esclavage moderne.

Ce n’est que depuis quelques décennies que les gouvernements ont pris leur responsabilité vis-à-vis des droits humains et ceci depuis un angle international. Les Etats-Unis et l’Europe ont récemment condamné les incidents en Syrie, Russie, Chine ou encore Iran. Et l’aide internationale devient conditionnelle du respect des droits humains.

L’indice Corporate Human Rights à l’initiative d’investisseurs responsables, en classant les sociétés globales cotées dans les 4 secteurs les plus exposés (agriculture, technologies d’information et de communication, secteur extractif et appareils), a pour but de lever le voile sur les pratiques de ces entreprises les plus exposées et ainsi de faire pression par le biais du risque réputationnel tel une épée de Damoclès brandie au-dessus de leur tête.

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