Pourquoi cette question revient-elle sans cesse, alors que la recherche académique n’a de cesse de prouver que l’investissement durable ne va pas nécessairement de paire avec de la sous-performance ?Lors d’une récente table ronde dans le cadre de la semaine de l’ISR à Paris, un professeur de la Sorbonne, Nicolas Mottis, nous répondait que le débat était stérile. Pourtant il persiste.
La première raison est à chercher dans l’origine des fonds durables. Les fonds de première génération étaient des fonds dits éthiques, à la demande de congrégations religieuses, soucieuses de ne pas investir dans des secteurs ou dans des pratiques contraires à leurs valeurs et croyances.
Aujourd’hui, le concept a évolué de niche d’investissements éthiques à une approche plus globale et intégrée dans la gestion d’actifs traditionnelle. Il faut donc bien distinguer entre un fonds éthique, qui veut répondre à certaines valeurs d’ordre éthique et un fonds durable, qui intègre des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) afin d’évaluer tous les risques et opportunités d’un environnement global intégrant les différentes parties prenantes en interaction.
L’approche repose sur la conviction que seules les entreprises ou tout acteur économique qui intègrent les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont à même de rester profitables sur le moyen et long-terme
La deuxième raison de cet éternel débat est liée à l’hétérogénéité des fonds durables ou qualifiés de la sorte. L’approche dite « best in class » qui favorise les meilleurs élèves, combinée éventuellement avec une approche « best effort » (récompenser les progrès sur une période de temps) n’est pas unique. Certains fonds répondent à des problématiques spécifiques ou thématiques ; d’autres se basent sur des critères d’exclusion et de screening normatif ; d’autres encore se concentrent sur le dialogue actionnarial capable de faire évoluer les pratiques.
La majorité des travaux académiques tend à montrer qu’il est très difficile de prouver la valeur ajoutée d’un filtre extra financier dans la sélection des portefeuilles dits durables. Par contre, au niveau des entreprises prises individuellement, la recherche a démontré la valeur ajoutée, notamment en matière d’accès au financement et du coût de celui-ci pour les sociétés affichant des scores plus élevés sur des critères ESG.
Si la question du coût d’une telle approche est obsolète, la question du quand peut paraître plus pertinente. D’où le sujet de notre table ronde à Paris : faut-il une crise d’envergure pour révéler les atouts de l’ISR ? Nous constatons que l’alpha extra financier dans nos stratégies durables apporte la plus grande valeur ajoutée dans les moments de crise. Ce dernier tend à s’amenuiser les crises s’estompant. Nous l’avons constaté avec un portefeuille d’obligations souveraines émises en euro lors de la crise des souverains de la zone euro. Nous le constatons cette fois avec un portefeuille d’obligations souveraines émergentes lors de la crise des devises locales qui a chamboulé le marché. Coïncidence de répéter le même succès?
Enfin la troisième raison réside dans la différence de point de vue entre marchés financiers et pilotage interne des entreprises. Si la convergence entre les deux est amorcée, les deux perceptions sont encore à rapprocher et les points de vue à réconcilier.
Du côté des entreprises, les politiques de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) peuvent être une solution, si du moins celles-ci sont intégrées au niveau opérationnel et décisionnel de l’entreprise. Le risque d’un éventuel rattachement aux départements marketing ou communication pourrait conduire à un certain greenwash des politiques.
Du côté des investisseurs, un travail d’éducation est à entreprendre. Seule une démarche de transparence et d’éducation pourrait mettre définitivement fin au préjugé.
Tout d’abord il faut une véritable compréhension de l’investisseur dans l’offre des portefeuilles/stratégies dits durables. Il est capital que ce dernier comprenne la stratégie, ses objectifs, ses définitions et ses concepts.
De plus, l’investisseur devrait adopter une réelle démarche d’investissement à long-terme. Cela demande de vaincre la dictature des indices de référence et surtout le besoin d’un rapport trimestriel voire même mensuel. L’investissement durable l’est dans la durée. Du fait de la dichotomie temporelle entre marchés financiers, encore court termistes, et les enjeux de durabilité, par définition moyen voire long terme. L’investisseur devrait investir sur le moyen terme et accepter des périodes de sous et surperformance en fonction des marchés.
Le débat ne devrait donc pas être « cela paie-t-il d’investir de manière responsable » mais plutôt « quand cela paie-t-il ? ». A cette question, il y a lieu d’espérer que chacun adopte une vue long-terme inscrite dans la durabilité.
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