Comment concilier valeurs et économie ?

Par la Banque Degroof

IMG_1184Les mots « économie » et « valeurs » paraissent souvent inconciliables. Pourtant, certaines personnes s’attachent à chercher et à plaider pour le rétablissement d’un lien qui donne du sens à l’activité économique. Cécile Renouard est une de ces femmes qui œuvrent pour que l’entreprise s’installe dans un cercle vertueux à la fois dans le domaine environnemental mais aussi social et sociétal.

Economiste et philosophe, elle dirige un programme de recherche à l’ESSEC (France) sur le thème de la responsabilité sociale et la performance sociétale des entreprises multinationales dans les pays du Sud. Elle enseigne au Centre Sèvres et à l’Ecole des Mines de Paris et a publié de nombreux ouvrages sur la responsabilité sociétale des entreprises. Elle est aussi religieuse de la congrégation des sœurs de l’Assomption. Son regard sur l’économie est donc à la fois celui d’une experte, d’une chercheuse qui plaide pour une économie plus collaborative et celui d’une croyante qui entend mettre ses convictions au centre de son action.

Aujourd’hui, les enjeux sont aussi environnementaux, économiques et sociaux. « Les entreprises font partie du problème, elles doivent aussi faire partie de la solution. Il faut décloisonner les choses, sortir de nos boîtes conventionnelles. Le problème de la raréfaction des ressources et des modifications climatiques me préoccupe aussi énormément. C’est un enjeu que l’on ne peut dissocier des enjeux sociaux. Nous allons droit dans le mur si nous continuons à exploiter nos ressources de façon abusive », explique Cécile Renouard.

Cette religieuse de 46 ans est allée sur le terrain, comme au Nigeria, pour étudier les effets sociétaux des compagnies pétrolières. Dans le cadre du programme de recherche qu’elle dirige à l’ESSEC, elle a signé des conventions de recherche avec des sociétés comme Total ou Danone, une ONG (le CCFD) et l’Agence Française de Développement. «J’analyse les liens entre les aspects financiers et extra-financiers. Dans ces entreprises qui acceptent que l’on fasse de la recherche, je vois comment les choses fonctionnent de l’intérieur et je peux faire des constats. Je travaille à des structures plus justes. Je comprends mieux la complexité dans les entreprises et je perçois les leviers qui peuvent faire bouger les choses », détaille Cécile Renouard.

Au Nigeria, par exemple, les défis sont de taille. Le capitalisme est assis sur la financiarisation de l’économie et la nécessité de produire sans cesse des ressources énergétiques sur base de l’extraction fossile a des effets pervers sur l’environnement et le tissu social. Dans un pays longtemps considéré comme non démocratique où règne la corruption, les bénéfices reviennent à certaines parties de la population qui travaillent autour des sites d’exploitation sans que cela profite aux autres. Ce partage inéquitable des ressources entraîne des rivalités ethniques qui brisent les liens sociaux.

Mais que pouvons-nous faire chacun là où nous sommes dans la société ? Il faut d’abord s’autoriser à voir ce qui se passe, à réfléchir hors du cadre. Nous devons nous projeter autrement, oser nous ouvrir à d’autres modes de pensée. « Nous devons apprendre à assumer nos responsabilités collectives. Quand on observe bien, il y a des structures qui ne recherchent pas le bien commun et qui ont des effets pervers.  » Sois le changement que tu veux pour le monde  » disait Gandhi. Nous devons retrouver un projet social qui permette à chacun de vivre mieux », ajoute Cécile Renouard. Il faut aussi que nous réalisions que certaines pratiques, même si elles sont légales, ne sont pas justes. C’est le cas, par exemple, de l’optimisation fiscale que pratiquent les multinationales au détriment des populations locales des pays dans lesquels elles s’installent. Nous pouvons réaliser des économies de fonctionnalité là où nous sommes et favoriser la collaboration (comme par exemple avec le covoiturage) en promouvant aussi les principes d’une plus grande justice sociale.

Pour en savoir plus, Cécile Renouard a publié plusieurs articles et ouvrages dont « Ethique et entreprise », qui vient de paraître aux éditions de l’Atelier. 

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