La passion à travers les générations

par défaut 2014-01-16 à 17.00.04Par la Banque Degroof

La philanthropie fait partie de ses gènes. Son père, son grand-père et son arrière grand-père ont bâti une des fondations philanthropiques américaines les plus mythiques. Peggy Dulany, membre de la quatrième génération de la famille Rockefeller, a décidé d’y consacrer sa vie. Rencontre avec une femme passionnée et inspirante.

C’est à 18 ans, lors d’un séjour dans les favelas de Rio en tant que jeune anthropologue, que Peggy Dulany vit sa première expérience philanthropique. Cette expérience sera fondamentale dans sa manière de concevoir des solutions pour lutter contre la pauvreté. « Ce que j’ai appris en vivant parmi ces communautés au quotidien, c’est qu’en plus d’être un fin stratège et un bon partenaire, savoir écouter et faire preuve d’empathie font partie des qualités pour pouvoir comprendre et mener à bien une action philanthropique grâce à des solutions durables », explique Peggy Dulany. C’est ainsi qu’elle fonde Synergos Institute en 1986, une organisation indépendante sans but lucratif dédiée à la création de solutions efficaces, durables et locales contre la pauvreté et l’injustice sociale et ce, grâce à des partenariats « public-privé » qui permettent d’établir un dialogue souvent inexistant entre les communautés et les gouvernements.

Les problèmes d’éducation et de santé publique sont pris en charge et améliorés, comme c’est le cas d’un partenariat dans l’ouest de l’Inde, où Synergos, en collaboration avec Unilever, l’Unicef, des entreprises indiennes, le gouvernement, des organisations à but non lucratif et des communautés locales,  ont pu réduire de 42% en l’espace de six ans les problèmes de retard de croissance causés par la malnutrition chez les enfants de moins de deux ans.

Un réseau multi-générationnel

S’ensuit au sein de Synergos la création du Global Philanthropists Circle (GPC) qu’elle fonde avec son père David Rockefeller en 2001, et dont l’objectif est de réunir de grandes familles philanthropes à travers le monde prêtes à engager leur temps, leur influence et leurs ressources pour combattre la pauvreté et l’injustice sociale. « Les 85 familles, représentées par deux ou trois générations, et issues de 27 pays qui composent notre Cercle constituent un réseau unique pour comparer les initiatives philanthropiques qui se font ailleurs. C’est un réseau d’apprentissage mutuel très enrichissant, toutes nationalités et générations confondues », commente la philanthrope. D’où l’idée de créer l’initiative Next Generation Group, dont les membres sont les jeunes héritiers de ces familles « Nous voulions créer un espace de dialogue pour ces jeunes, qui ne sont pas à l’origine de leur fortune, mais pour qui la philanthropie fait partie de leur vie. Dialoguer, apprendre à se connaître eux-mêmes à travers des rencontres et des voyages, faire leur propre chemin est essentiel pour mieux pouvoir se réaliser et se lancer dans leur passion », ajoute-t-elle.

La « nouvelle philanthropie »

Au-delà de la philanthropie traditionnelle, Peggy Dulany voit se dessiner ces dernières années deux grandes tendances. La première d’entre elles, la venture philanthropy, s’inspire directement des méthodes de la finance et en particulier du capital-risque (venture capital) pour mener à bien une action philanthropique. « Ces nouveaux entrepreneurs, souvent jeunes, cherchent le meilleur retour social sur investissement. En se basant sur leurs compétences, ces « philanthro-capitalistes » veulent des résultats immédiats. Mais les problèmes sociaux ne peuvent être résolus de la même manière que ceux que l’on rencontre dans le business, c’est beaucoup plus complexe que cela. En cherchant à tout prix à mesurer les résultats de leurs projets sociaux, ils sont souvent déçus, réalisant que cette culture du résultat, même si elle est utile, ne peut à elle seule représenter la solution », résume Peggy Dulany.

Cet aspect financier, la deuxième tendance, se combine à l’aspect sociétal et environnemental : c’est l’impact investing (investissement dans des entreprises, organisations ou fonds qui ont pour objectif de générer un impact sociétal et environnemental mesurables en plus d’un retour financier), qui offre une solution innovante à ceux qui souhaitent réellement avoir un impact responsable et durable pour la société.

Un engagement personnel

Car au-delà de l’aspect financier, c’est avant tout une question de passion et de motivation personnelle qui transparaît dans la démarche philanthropique. « Faire de la philanthropie, c’est la faculté d’utiliser tout ce qui nous entoure (compétences, réseau, éducation, passion). Aujourd’hui, les gens sont de plus en plus à la recherche de sens dans leur vie, ils veulent se sentir utiles et réellement participer au changement du monde et ce, pas uniquement à travers l’argent qu’ils donnent », précise Peggy Dulany. A travers cette mutation, l’étymologie du terme philanthropie (« amour de l’humanité ») prend véritablement tout son sens.

Une communion de cœur et d’esprit

Les valeurs familiales dont elle a hérité l’inspirent dans tout ce qu’elle entreprend. « La responsabilité de redonner ce que l’on a reçu et l’esprit de tolérance m’ont été transmis dès le plus jeune âge. Même si mon père ne me comprenait pas toujours étant jeune, il a toujours respecté mes choix de vie. C’est aussi ce que j’essaie de transmettre à mon fils, aujourd’hui artiste et poète, et je réalise aujourd’hui avec fierté qu’il a pu intégrer ces même valeurs à ses activités tout en leur donnant un sens philanthropique », se réjouit Peggy Dulany. Pour elle, c’est précisément le sens que revêt la transmission des valeurs philanthropiques : le respect du projet de vie de chacun et la transmission de valeurs solides pour vivre son projet avec cœur et passion. De quoi largement inspirer les générations à venir!

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