Nouvelle obligation de mentionner les « structures patrimoniales » dans sa déclaration fiscale

Photo024#1Par Joyn Legal SCRL

Dans un chapitre intitulé « structures patrimoniales privées », la loi du 30 juillet 2013 prévoit que les contribuables devront mentionner, à compter de juin 2014, l’existence de « constructions juridiques » dont ils sont créateurs ou bénéficiaires dans leur déclaration fiscale.

Cette nouvelle obligation s’inscrit dans la même logique et poursuit le même objectif que l’obligation de déclarer les comptes et assurances-vie étrangères. L’administration fiscale veut pouvoir contrôler si des infractions fiscales ont été commises par le passé afin de les sanctionner (les « constructions juridiques » en cause n’étant pas nécessairement frauduleuses ou abusives en tant que telles).

Quelle est la portée de cette nouvelle obligation ? Deux types de « constructions juridiques » sont apparemment visées :

1)             les trusts et structures similaires. Il s’agit de constructions juridiques où une personne « confie » des biens à une autre personne afin que cette dernière les gère dans l’intérêt d’un ou plusieurs bénéficiaires.

Qui doit déclarer ce type de structure ?

Premièrement, la personne qui a « confié » les actifs. Par exemple, Monsieur Dupond qui « détient son portefeuille de valeurs mobilières » via un trust.

Deuxièmement, les héritiers de cette personne, sauf si ces derniers établissent qu’ils ne bénéficieront jamais de la structure. Par exemple, il s’agira des héritiers de Monsieur Dupond (son épouse et/ou ses enfants), après le décès de celui-ci, sauf si ces derniers établissent qu’ils ne bénéficieront jamais de la structure.  Dans la plupart des cas toutefois, les héritiers échapperont rarement à cette obligation déclarative dans la mesure où ils sont généralement bénéficiaires en fin de compte.

Troisièmement, la personne qui a connaissance de sa qualité de « bénéficiaire » ou de « bénéficiaire potentiel » de la structure. Il s’agit ici des enfants de Monsieur Dupond dès lors que ceux-ci savent ou se doutent que Monsieur Dupond les a désignés comme bénéficiaires des actifs bancaires. Cette disposition est évidemment très lourde : quel degré de connaissance est-il exigé ? Devra-t-on « prouver » son ignorance ? Autant de questions sans réponse à ce jour.

La conséquence de ce qui précède en pratique est que, dans la situation de la famille Dupond, plusieurs personnes devront déclarer simultanément : tant Monsieur Dupond (en sa qualité de personne qui a « confié » les actifs bancaires) que ses enfants (en leur qualité de « bénéficiaires » de la structure) devront déclarer l’existence du trust.

2)             Les personnes morales étrangères ou organismes sans personnalité juridique  qui ne sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou sont soumis à un impôt notablement plus avantageux que l’impôt belge.

Dans ce second cas, ce sont les personnes qui sont directement ou indirectement actionnaires ou, de manière générale, « bénéficiaires économiques » des constructions juridiques qui devront en faire la déclaration.

Il en résulte que, parmi les structures les plus rencontrées dans la pratique, les structures suivantes entrent dans le champ d’application de la loi et devront être déclarées :

–                les trusts (quel que soit l’état dans lequel ils ont été constitués),

–                les fondations étrangères, notamment les fondations liechtensteinoises, suisses, monégasques, etc.

–                les sociétés qualifiées de « offshore » (sociétés basées dans un « paradis fiscal », tels que les Bahamas, les Iles Vierges britanniques, les Iles Caïmans,  etc.),

–                une Société de Patrimoine Familial luxembourgeoise (SPF),

Ne devront par contre pas être déclarées :

–                de manière générale, les sociétés soumises au régime fiscal de droit commun dans un état européen (on pense par exemple aux Sociétés de Participation Financière luxembourgeoises – SOPARFI),

–                les structures sans personnalité juridique qui n’ont pas d’impact au niveau fiscal et n’ont ainsi pas pour but d’éviter l’impôt (on pense par exemple aux Fonds Communs de Placement – FCP ou aux Sociétés de Droit Commun – SDC)

Un arrêté royal devrait prochainement préciser les constructions juridiques visées par l’obligation déclarative. Une analyse au cas par cas reste néanmoins conseillée.

Il convient aussi de s’interroger sur l’application de cette obligation de déclaration dans le temps.

Que se passe-t-il si Monsieur Dupond possède une « construction juridique » aujourd’hui mais la supprime avant juin 2014 ? Sera-t-il quand-même tenu de la mentionner dans sa déclaration fiscale ?

A la lecture du texte légal, à défaut de disposition contraire, il est possible de soutenir que seules les structures existant au jour de l’introduction de la déclaration fiscale doivent être mentionnées.

On peut cependant penser que l’administration adoptera le même point de vue qu’en matière de déclaration des assurances-vie et prônera la déclaration des « constructions juridiques » ayant existé à n’importe quel moment au cours de l’année 2013.

Quid en cas de non-déclaration d’une structure ?

Comme en matière de déclaration d’assurance-vie, il faut relever que la loi n’a attaché aucune sanction spécifique au non-respect de l’obligation déclarative. En l’absence d’intention frauduleuse, seule une amende administrative (50 à 1250 €) est possible mais cette absence de déclaration ne peut avoir pour effet de modifier le régime fiscal des éventuels revenus perçus au travers de la « construction ».

En conclusion, cette nouvelle obligation déclarative constitue sans aucun doute un puissant incitant à la régularisation fiscale. L’administration ne semble pas s’en cacher. A un député qui légitimement se demandait « pourquoi les nouveaux articles (…) doivent être insérés maintenant alors que l’on a encore tout l’automne pour le faire (…) ? », le secrétaire d’Etat à la lutte contre la fraude fiscale a répondu que « le délai doit permettre aux contribuables repentis de se mettre en ordre. (…) l’opération de régularisation se termine fin 2013 ».

La régularisation fiscale est en effet une solution possible. Cette solution suppose néanmoins l’existence d’une infraction fiscale. Sur base de la «construction juridique» utilisée, il convient en premier lieu d’identifier les éventuelles infractions fiscales (revenus mobiliers/droits de succession) afin d’apprécier la nécessité et les modalités d’une  régularisation fiscale. La date ultime d’introduction des dossiers de régularisation est le 31 décembre 2013.

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