Par Petercam
Alors que la majorité des investisseurs institutionnels s’accorde à dire que l’investissement responsable est incontournable, il faut reconnaître que l’intérêt des investisseurs privés reste encore frileux.
Non pas que ce dernier ne se soucie guère de l’impact éventuel de ses placements – au contraire – mais bien plus probablement parce que face à un marché hétérogène sans réels repères, il se perd.
Tout d’abord, la confusion est grande sur la terminologie utilisée. L’investissement responsable peut revêtir différentes formes d’engagement de l’impact investing – investissement direct dans des sociétés, organisations ou fonds afin de générer un impact social et/ou environnemental mesurable – aux fonds d’investissement socialement responsables plus classiques.
Ces derniers sont, de par leur lien historique à la sphère religieuse, assimilés à la notion de valeurs éthiques et morales et souvent régis par un système d’exclusion de certains secteurs ou pratiques (pornographie, tabac, peine de mort, etc.). Or, aujourd’hui, le monde de l’investissement responsable, qui tend d’ailleurs à perdre son « S » (socialement) en cours de route va bien au-delà des valeurs morales et religieuses. Convaincu des défis auxquels doit faire face notre planète – au niveau social, environnemental ou de gouvernance – l’investissement responsable regarde les acteurs économiques d’un angle plus global et davantage intégré que purement financier. Avant d’exclure, l’approche se concentre sur le mode de fonctionnement et l’engagement de la société par rapport à son rôle sociétal et sa responsabilité fiduciaire. Il est davantage question d’entrer en dialogue avec la société afin de comprendre et convaincre que de meilleures pratiques existent dans des points clés en matière environnementale, sociale et de gouvernance. D’où l’abréviation de plus en plus utilisé d’ ESG, plus précisément «intégration de critères ESG». Il n’est plus ici question d’évaluer le coût financier en termes de rendement d’un placement du fait d’avoir privilégié une société plus ISR qu’une autre.
« Combien cela va-t-il me coûter en termes de performance d’être éthique ?» revient régulièrement dans les conversations. Mais bien au contraire de complémenter le rendement financier d’une valeur supplémentaire qu’elle soit sous la forme de rendement – une société en avance sur l’anticipation des défis de demain est une société innovante et performante – ou sous la forme de risque/volatilité – une société soucieuse de son environnement en terme écologique, social et de rapport aux autres est une société mieux préparée et protégée aux risques de demain.
Or, cette évolution du monde de l’investissement responsable a encore du chemin à faire pour aboutir et convaincre les investisseurs. Pour se faire, trois axes sont à privilégier.
Tout d’abord, la transparence. Si celle-ci est un requis primordial de toute analyse extra financière, il faut bien reconnaître que les fonds d’investissement dits ISR et autres stratégies manquent toujours aujourd’hui de la transparence suffisante qui permette à l’investisseur privé de situer ses besoins dans l’offre actuelle. En Belgique, le secteur financier – en particulier les recommandations de Febelfin et Beama – sont un premier pas vers plus de transparence. Tout fonds d’investissement dit « responsable », « durable », « ISR », ou autre se doit de répondre à un minimum d’informations et de requis pour être répertorié tel quel sur le site de Febelfin/Beama. En France, le label Novethic établit un cadre de reconnaissance des fonds dits ISR commercialisés sur le marché domestique. En l’absence de réelle concurrence sur le marché, le label est de plus en plus reconnu comme la référence internationale pour le monde des investisseurs responsables. Cependant, si les professionnels sont nombreux à connaître ce label, il reste inconnu pour de nombreux particuliers, et certainement hors de la France. Alors qu’il avait pour vocation d’être un label pour le marché des particuliers ! Et ce n’est pas du côté des instances européennes que le particulier peut se tourner aujourd’hui. La problématique de cadre référentiel est criante dans le domaine.
Etroitement lié à la transparence, la comparabilité est un objectif primordial pour le développement de l’investissement responsable. Le concept n’étant pas strict, la comparabilité est toujours discutable. Déjà définir la notion d’investissement responsable ou socialement responsable soulève de nombreux débats. En France, deux groupes de travail distincts se sont emparés du sujet, démontrant directement l’absence d’accord sur la définition. La plupart des définitions existantes se concentrent davantage sur les processus possibles des différentes approches d’investissement responsable – exclusion, sélection négative, sélection positive, best in class, etc. – mais finalement peu s’axent autour de l’objet et des objectifs poursuivis.
La difficulté de comparaison réside dans l’immatérialité de certains aspects de l’investissement responsable. Or, la mesurabilité est l’instrument le plus aisé pour permettre une parfaite comparabilité de deux produits financiers. Si les labels et recommandations apprécient de plus en plus la qualité d’une stratégie durable, via la qualité de sa recherche, l’existence d’activisme, etc. la mesurabilité de l’impact de l’approche durable est encore à ses prémices. En effet, pour gagner en crédibilité, l’approche doit se concentrer davantage sur les résultats obtenus par la stratégie que le processus en soi. En parlant de résultat, il n’est pas ici question uniquement des résultats financiers. Ceux-ci restent importants car le particulier reste un investisseur soucieux du rendement de son portefeuille. Il s’agit ici du fameux double alpha ; la conviction que l’analyse de durabilité apporte une valeur ajoutée dans la connaissance des risques et opportunités d’un investissement. Mais également un résultat extra financier. Le portefeuille investi a-t-il un impact positif en matière environnementale, sociale et/ou de gouvernance ? Ici aussi le monde de l’investissement responsable évolue. Il ne se contente plus de mesurer la performance financière mais de montrer que le portefeuille peut être plus soucieux de l’environnement (par ex. les sociétés investies sont moins génératrices de CO2, etc.) dans sa globalité. Cependant, il faudra également du temps pour que les instruments de mesure et les référentiels soient totalement efficaces et prouvés.
En matière de produits financiers, l’offre a généralement dirigé la demande. Il est donc du devoir des institutions financières de faire progresser le domaine de l’investissement responsable, le rendant accessible à tout investisseur. En améliorant la transparence, la comparabilité et la mesurabilité de telle stratégie, les institutions financières seront alors en mesure de convaincre des bienfaits de l’investissement responsable et pourront assumer pleinement leur rôle sociétal.
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