Lors de la sélection des valeurs dans les portefeuilles ISR (Investissement Socialement Responsable), des critères de sélection négatifs et positifs sont appliqués. Souvent, la première approche consiste à exclure de ces portefeuilles des secteurs controversés (armement, tabac, jeux, pornographie,…) ou des entreprises jugées peu responsables. La deuxième analyse consiste à sélectionner les entreprises qui entreront dans l’univers d’investissement sur base de critères positifs. C’est l’approche Best In Class.
Les gestionnaires de fonds ISR font souvent appel à des agences externes pour évaluer l’aspect ISR des entreprises ou pour consulter les listes noires qu’elles établissent. Novethic est un centre de recherche sur les investissements socialement responsables et un média dans le domaine du développement durable. Dans ce cadre, Novethic a réalisé une étude intitulée « Entreprises controversées : les listes noires d’investisseurs changent-elles la donne ? ». Cette étude a analysé les listes noires publiées par 19 investisseurs d’Europe du Nord qui gèrent 1 500 milliards d’euros d’actifs sur base de critères de violations des droits humains. Elle a ainsi scruté les controverses relatives à six multinationales présentes sur ces listes : Walmart, Yahoo, Chevron, PetroChina, Vedanta et Shell.
Pourquoi ces entreprises sont-elles reprises sur ces listes ? Walmart pour l’absence de liberté syndicale et pour les conditions de travail chez ses sous-traitants, Yahoo pour sa complicité avec les autorités chinoises en matière de liberté d’expression, Chevron pour sa pollution de l’Amazonie en Equateur, PetroChina pour complicité avec les régime birmans et soudanais, Vedanta pour le non-respect des populations autochtones et Shell pour sa position dans le delta du Niger.
L’étude de Novethic montre que, si l’exclusion et la mise en place de listes noires ne changent pas fondamentalement les agissements de ces sociétés, elles influencent le comportement des investisseurs. « L’étude de Novethic montre que si l’exclusion normative ne suffit pas à changer les choses, elle amène les investisseurs à remettre en cause des modèles économiques qui conduisent à des violations des droits humains dont le coût leur semble, in fine, trop élevé pour les entreprises elles-mêmes. S’ils protègent ainsi leur propre réputation c’est aussi une façon d’alerter les compagnies et de les inciter à mettre fin aux controverses », peut-on lire sur le site de Novethic.
On constate cependant qu’il reste encore du chemin à parcourir en matière d’exclusion et ce, plus spécialement dans le secteur du textile où les pratiques vont trop souvent à l’encontre du respect des droits humains. En mentionnant Tazreen Fashions Ltd, Novethic relève encore : « L’incendie de son usine de textile au Bangladesh qui a fait plus de 120 morts fin 2012, a lancé un mouvement international de protestation sur les conditions de travail chez les sous-traitants bangladeshis des grandes marques de textile occidentales. Il a pris une ampleur considérable après l’effondrement d’un immeuble où sont morts plus de 1000 ouvriers, six mois plus tard. Aujourd’hui le monde entier a été alerté sur le sort des populations sacrifiées pour produire à bas coût ».
Exclure ne suffit cependant pas. Au-delà de l’exclusion, il est également important de favoriser l’engagement ou l’activisme actionnarial dans son ensemble. Trop souvent, les actionnaires négligent cet aspect de leur investissement et sous-estime le poids de leur impact lors des assemblées générales des actionnaires. Il faut aussi que les investisseurs responsables soient plus exigeants dans leur évaluation des politiques de sélection des actions dans les portefeuilles ISR. Fréquemment, les investisseurs entrent de bonne foi dans des fonds qualifiés d’ISR mais ne posent pas de questions sur la méthodologie utilisée pour sélectionner les valeurs en portefeuille. Il ne suffit donc pas d’établir des listes noires encore faut-il pouvoir y avoir accès et vérifier que, dans les fonds étiquetés socialement responsables, ces listes sont consultées et respectées et voir dans quelle mesure ces fonds appliquent ou non une politique d’activisme actionnarial et sous quelle forme. Les investisseurs ont donc, eux aussi, un rôle actif à jouer en investissant de façon responsable et surtout en… s’informant.
Pour en savoir plus télécharger la synthèse de l’étude de Novethic ici