La Revue : Le pessimisme est destructeur

Certains économistes semblent se complaire dans des prévisions alarmistes voire apocalyptiques. En insistant lourdement et constamment sur le fait que la crise est devant nous, que l’euro va disparaître et que l’inflation est pour demain, ces économistes ont des propos qui ne relèvent plus du réalisme mais d’un état de pessimisme profond qui, finalement, pourrait se révéler auto-réalisateur et destructeur de valeur à terme. En effet, de tels effets d’annonce n’encouragent pas les acteurs à relever la tête et à reprendre confiance. Ils ne sont pas porteurs d’avenir.

C’est pourquoi, dans le cadre de cette revue, nous voudrions nous tourner vers ce qui va dans le bon sens et non pas vers ce qui ne fonctionne pas. « Avec des indicateurs de tendance qui s’améliorent, les chiffres des Etats-Unis et de la Chine semblent bons et la politique accommodante de la FED qui est mise en place, nous conduisent à entrer dans l’année 2013 d’humeur optimiste », souligne Trevor Greetham Head of Tactical Asset Allocation and Portfolio Manager chez Fidelity. Les chiffres des marchés immobiliers et de l’emploi aux Etats-Unis se renforcent et les chiffres en Chine surprennent. La FED a assuré qu’elle continuerait à maintenir sa politique monétaire accommodante, ce qui pourrait provoquer une inflation et une augmentation du prix de l’immobilier qui soulagerait les tensions du système bancaire américain. Une économie américaine forte devrait aider les économies à travers le monde à se relever.

En Europe, les politiques constructives menées par le BCE depuis l’été ont réduit le risque d’une scission de la monnaie européenne. Certes, l’optimisme ne se trouvera pas du côté européen car la fin de la récession dans la zone euro n’est pas encore en vue mais les chances de reprise émaneront surtout du pays de l’Oncle Sam. « Une croissance de 3% sur base annuelle est attendue au deuxième semestre, ce qui en ferait le meilleur semestre depuis 2006 », note-t-on chez Petercam.

En ce qui concerne l’inflation, les injections monétaires massives des banques centrales ont alarmé certains économistes qui l’annonçaient comme un fait inéluctable. Or, force est de constater que nous l’attendons toujours. « Je ne vois pas d’inflation en 2013. Nous sommes dans un état de tétanie », comme le soulignait récemment Etienne de Callataÿ, Chief Economist à la Banque Degroof. En effet, les injections monétaires ne peuvent créer de l’inflation que si elles sont effectivement intégrées dans le système économique, dans une économie qui tourne normalement. Or, aujourd’hui, la monnaie stagne et manque donc de vitesse de circulation pour engendrer une situation inflationniste.

Du côté des marchés actions, nous percevons chez certains gestionnaires un changement dans la politique d’investissement. Il semblerait que les actions retrouvent un certain attrait après une année 2012 qui a affiché de bons résultats.

En conclusion, sans vouloir verser dans un optimisme béat, des signes de reprise économique sont attendus en 2013. Ces signes ne sont cependant pas encore espérés en Europe qui devra faire face à une montée du chômage et à une crise de l’euro qui n’a pas fini de faire parler d’elle. Et pour nous redresser, nous reprenons ici un extrait de l’excellente interview de Jean-Claude Guillebaud, journaliste, Lauréat du prix Albert-Londres en 1972, réalisée par notre confrère de la Libre Belgique, Eric de Bellefroid, le 28 décembre 2012 : « Face à ces immenses mutations, je déplore que nous, Européens, réagissions par un surcroît de pessimisme, une « sinistrose » qui est frappante chaque fois qu’on revient en Europe après un séjour lointain, notamment en Asie. Je pense – et j’écris – que le pessimisme fait aujourd’hui partie du problème en Europe. Il est absurde parce qu’il est « autoréalisateur », c’est-à-dire qu’il contribue à faire advenir les catastrophes. Disant cela, je ne verse pas dans la niaiserie. J’ai passé vingt ans de ma vie, comme correspondant de guerre pour « Le Monde », à vivre les guerres, les révolutions, les tueries de toutes sortes, les famines. Or, j’ai toujours trouvé, dans les pires situations, des gens qui ne désespéraient pas, qui restaient debout. J’ai appris l’espérance auprès de gens qui avaient toutes les raisons de désespérer, et qui ne pliaient pas. C’est pourquoi la sinistrose européenne m’exaspère, même si je suis conscient des précarités, injustices, souffrances sociales qui s’accroissent ».