Par William De Vijlder, Chief Investment Officer, Strategie en Partners, BNP Paribas Investment Partners
Quelle n’a pas été ma surprise en septembre 2011 de découvrir à l’aéroport de Milan des distributeurs d’or à côté des distributeurs de boissons. Il était bel et bien possible d’acheter des lingots avec sa carte de crédit. Si ce n’était pas un signe de la fièvre de l’or qui sévissait à l’époque. À Hong Kong, il paraît que la chute du cours de l’or a provoqué une ruée chez les bijoutiers. Aux yeux des clients, cette correction n’est que passagère : c’est le moment de faire « des affaires en or ». La baisse, d’abord progressive puis brutale, qui a succédé à des années de hausse spectaculaire est riche d’enseignements, que ce soit pour ceux qui ont investi dans l’or ou pour les autres. Je dirais même surtout pour les autres.
1. Une tendance haussière peut créer un faux sentiment de sécurité : l’absence de corrections importantes donne l’impression que l’investissement est sûr, car peu volatil. Voilà un cliché que les événements récents se sont chargés de corriger.
2. Lorsque le thème change, tout peut aller très vite. La dépréciation de l’or a commencé lentement avant de s’emballer quand il s’est avéré que Chypre pourrait vendre son or. Ensuite, les seuils de limitation des pertes ont été atteints et la dégringolade a continué à s’accélérer.
3. Chaque investisseur a sa « sphère d’investissement favorite ». Si les rendements au sein de cette sphère s’inscrivent en recul – pensez à la diminution des taux obligataires – les investisseurs se tourneront, peut-être à contrecœur, vers d’autres types d’investissements dont ils attendront des résultats supérieurs. Ce phénomène explique la progression de l’or pendant des années. Cependant, lorsque le vent tourne, ces investisseurs reviennent rapidement à leurs investissements préférés, d’où la chute de ces dernières semaines. Il convient donc de garder cette tendance à l’esprit devant l’enthousiasme affiché pour les obligations spéculatives ou émergentes.
4. Lorsque l’or était en hausse, de nombreux spécialistes insistaient, à juste titre, sur l’impossibilité de chiffrer sa valeur intrinsèque. Or, cette mise en garde reste de mise. La difficulté pour les investisseurs est toujours de déterminer le moment idéal pour vendre – en limitant les pertes – lorsqu’ils ne connaissent pas la valeur intrinsèque de leur investissement.
5. En réalité, il est encore trop tôt pour savoir pourquoi le cours de l’or a dégringolé. Selon moi, la vente potentielle d’or par Chypre et les rumeurs concernant un hedge fund en difficulté ne font pas partie des causes fondamentales. Deux interprétations basées sur les fondamentaux sont possibles. La première estime que l’assouplissement quantitatif fonctionne et que les investisseurs se sont mis à croire aux chances de réussite de cette politique monétaire. L’augmentation des cours boursiers entraîne alors un coût d’opportunité élevé pour les investisseurs qui attendent patiemment, une progression de l’or alimentée par une reprise de l’inflation, le tout en raison de la politique monétaire non conventionnelle.
6. Fait intéressant, la seconde interprétation mène à la conclusion inverse : selon cette analyse, l’assouplissement quantitatif ne fonctionne pas. Cette théorie s’appuie sur la faiblesse des statistiques économiques des dernières semaines, que ce soit aux États-Unis, en Chine ou en Europe, et sur la tendance baissière de l’inflation en dépit de la politique monétaire particulièrement agressive menée par la plupart des pays. L’évolution de l’inflation est un facteur essentiel : elle signifie en effet qu’une protection de l’inflation sous forme d’or est un « coût » inutile (mais bien un coût d’opportunité), car l’inflation ne pose aucun problème. Cette explication n’est pas qu’une considération théorique, comme le montre la récente baisse enregistrée par les « points morts d’inflation », c’est-à-dire les perspectives d’inflation déduites à partir des cours des obligations indexées sur l’inflation.
7. Naturellement, ces deux interprétations mènent à une évolution fondamentalement différente des taux obligataires, qui seront tantôt orientés à la hausse tantôt à la baisse. L’évolution des actions semble par contre moins tranchée. En effet, même si l’assouplissement quantitatif ne fonctionnait pas, elles seraient soutenues, du moins temporairement, par la perspective de création de monnaie.
Face au plancher atteint récemment, l’or a solidement rebondi : si les investisseurs s’y intéressent malgré sa faiblesse, c’est parce qu’ils estiment que la correction est exagérée. Selon eux, les anciens facteurs de soutien n’ont pas disparu, à savoir la création de monnaie (même si cette dernière n’a pas encore entraîné de hausse de l’inflation) et la perspective d’une diversification accrue des réserves des banques centrales. Ce dernier argument me semble particulièrement pertinent, même s’il faut bien admettre qu’établir des prévisions pour un instrument dont personne ne peut évaluer la valeur intrinsèque est particulièrement difficile.
Bonjour,
Il est toujours curieux de constater que la demande d’or d’investissement est complètement mise de coté, comme facteur (et quel facteur!) de hausse des cours de l’or.
Si le rôle des banques centrales et celui de la politique monétaire US jouent un important rôle, ceux ci ne sont que secondaires et indirectes. Le principal facteur d’évolution, c’est bien sur la demande physique. Et il semble bien que les 1000 dollars l’once est un solide plancher. Et comme preuve de l’importance de l’or comme monnaies, nous pouvons citer la fiscalité, qui ne cesse d’augmenter en Europe sur les transactions d’or d’investissement!