Nous avons interviewé Serge Wibaut, , Economiste, Professeur de finance à l’UCL sur sa vision de la crise.
Selon vous, comment sortira-t-on de l’impasse de la crise ?
En Europe, la crise de la dette a un coût. On ne peut pas évacuer le discours de savoir qui va payer la note. Il reste donc à déterminer qui va payer ce coût. Actuellement, cela représente 2500 euros par Belge.
Plusieurs scénarios sont envisageables. Soit on crée de la croissance mais pour cela il faut à la fois une croissance de la productivité et de la population. Nous n’avons ni l’un ni l’autre pour le moment, donc nous ne pouvons pas envisager ce scénario. Si l’on favorise l’inflation, tous les acteurs sont lésés à la fois les rentiers et les petits allocataires sociaux. Le troisième scénario serait de faire payer les créanciers mais alors ce sont les banques, leurs clients, les fonds de pension et les sicav qui payeront la note. Le dernier scénario est un scénario d’austérité pour permettre le remboursement des déficits publics. Dans ce cas, on sera dans un état de récession qui risque fort d’amplifier les mouvements sociaux et la poussée des nationalismes.
Comment envisagez-vous l’avenir de l’euro ?
Nous sommes dans une situation où tous les scénarios sont possibles et nous pourrions même nous retrouver, dans quelques années, dans une situation que nous n’avions pas envisagée. Il paraît évident, aujourd’hui, que l’euro ne sera plus le même dans quelques années. Pendant combien de temps les Allemands vont-ils suivre ? Le Royaume-Uni pourrait se détacher encore plus de l’Union et l’on pourrait assister à de drôles de rapprochements au sein de l’Europe. Le problème en Europe est le manque de consensus. Nous pourrions avoir une économie atone durant encore quelques années. Tout peut survenir : la scission entre un euro du Nord et un euro du Sud, des alliances militaires, la survenance de blocs géopolitiques,… Aujourd’hui, nous n’avons plus de boussole, il y a de trop de scénarios possibles.
Peut-on malgré tout entrevoir un facteur positif ? Une lueur d’espoir ?
Il n’y a pas de corrélation continue entre les taux de croissance et le bénéfice des entreprises. Certaines entreprises dégagent une belle croissance et des bénéfices dans la crise. Certaines entreprises bénéficient également de la crise. Il faut aussi reconnaître que le monde évolue encore : on assiste à des évolutions technologiques, des évolutions dans le secteur de la santé. Ce n’est pas parce que les choses vont mal au niveau macroéconomique que tout le tissu industriel et entrepreneurial va mal. Par contre, sur les marchés cela fait 12 ans que l’on ne voit plus de tendance. De ce fait, dans une telle situation de marché sans trend, suivre un indice n’est pas la meilleure chose à faire. Il vaut mieux avoir une gestion plus active et aller chercher des valeurs de façon plus opportuniste.