La chronique de Patrick Van Campenhout présentée au cours d’initiation à la finance et aux placements du 13 février 2012
Une des grandes questions que se posent les investisseurs ou les gens qui consacrent un minimum de leur attention à la santé de leur portefeuille ou… de l’économie en général, c’est de savoir où on se situe dans les grands cycles économiques. Aujourd’hui, c’est difficile, évidemment. On se rend bien compte à lire les journaux, à écouter les médias, que l’Europe se trouve dans une situation délicate quand à sa dynamique économique. On parle de récession. Et on sait à ce propos qu’il s’agit de plusieurs mois ou trimestres consécutifs de ralentissement de la croissance. On perd le rythme, en d’autres mots, et on perd confiance. C’est très ennuyeux si beaucoup de gens y croient… Parce qu’on est là dans un environnement économique où tout le monde se surveille. Il y a un mois ou deux de cela, une radio m’avait demandé de définir la récession : j’avais en gros expliqué que plus on en parle, plus elle existe. Et c’est exactement ce qui se passe actuellement. Aux Etats-Unis, les ménages sont plutôt attentifs aux bonnes nouvelles qu’aux mauvaises. Et pour le moment, les nouvelles commencent à s’améliorer : les entreprises publient des résultats globalement plus positifs que négatifs. On estime à 60% les bonnes nouvelles en matière de résultats pour 2011 et à 30% les moins bonnes ou les mauvaises.
En Europe, c’est un peu moins précis parce que nous sommes entrés dans une période d’incertitude, même si le gros de la crise de la dette souveraine est maintenant derrière nous apparemment. En fait, vous l’avez suivi, comme tout le monde, la solution qui devrait être apportée cette semaine à la crise en Grèce est ou sera déterminante, bien sûr. Et là, on peut dire que c’est un processus lent : ça fait maintenant au moins trois semaines que l’on devrait avoir eu des nouvelles du malade, et chaque fois qu’on a le sentiment d’arriver au bout du traitement, on a droit à un report… Le malade est plus atteint qu’on ne l’imaginait, et surtout, on a un peu peur de l’approcher car sa maladie est contagieuse.
Déprime de riches
Est-ce que, pour autant, nos économies sont réellement malades ? On a du mal à l’imaginer quand on se balade dans les magasins. C’est vrai que le foie gras s’est sans doute un peu moins bien vendu durant les fêtes que l’an passé, le champagne, apparemment pas mal. Mais nous évoluons finalement dans un environnement où les crises et la récession, en gros, on fait avec et on attend que ça passe. Du côté des gouvernements par contre, on doit bouger, et on bouge. La crise grecque, et celles des pays les plus fragiles de la zone euro oblige l’Europe à se mobiliser et aux pays membres de suivre le mouvement. Et finalement avec un certain succès puisqu’on estime que le train de réformes en cours dans les pays membres va plutôt dans le bon sens. Evidemment, il faut modérer le propos quand on déjeune dans un restaurant grec. Du point de vue de la population, il y a un sérieux tour de vis en cours et il est douloureux, surtout pour les moins nantis. Il faudra donc songer, une fois les efforts de rationalisation des budgets des Etats européens les plus fragiles, Belgique comprise, à répartir des moyens pour aider les Européens les plus démunis.
Voilà pour le tableau économique : Les Etats-Unis donnent le signe de redémarrer, l’Europe voudrait suivre et elle va finir par suivre, les pays émergents attendent de voir comment ils vont devoir adapter leur production pour inonder nos marchés de produits à bas prix.
Marché haussier
Qu’en pense la Bourse ? La Bourse a tendance à anticiper… Comme toujours. Et que fait-elle pour le moment ? Elle grimpe depuis bientôt trois mois. Est-ce que ce serait bon signe ? Je le crois. Et on en revient à la perception psychologique de la récession et à ses impacts sur l’économie réelle. Depuis le creux d’octobre/novembre dernier, les indicateurs boursiers aux Etats-Unis et en Europe, ont rebondi de 20% globalement. Ca veut dire quelque chose, bien sûr. Qu’est-ce que ça signifie ? Tout simplement que les investisseurs, les pros, vous et moi, en ont assez de la sinistrose. Ils achètent ce qui leur semble de bonne qualité, et ils ne revendent pas. Le principe d’une dépression économique, une super-récession, ne convainc pas. Les mauvaises nouvelles, en gros, on les ignore et on en attend une bonne pour recommencer à acheter. Il y a deux bonnes semaines, on était arrivé à l’échéance, xième week-end de la dernière chance pour la Grèce. Deux semaines plus tard, alors que le problème a à peine avancé, les marchés ont progressé. Et ils ont essentiellement été tirés à la hausse par les financières et par les valeurs dites cycliques comme les industrielles, celles du secteur automobile, de l’aviation, etc. Ce que cela veut dire, c’est clairement que les gestionnaires s’attendent à un redémarrage des dépenses, de l’économie au niveau mondial. Evidemment, ils peuvent se tromper. Mais une fois encore, la reprise a une dimension psychologique indéniable. Dans les faits, on voit quand même des déconvenues lors de la publication des résultats d’entreprises, mais elles ne sont pas liées aux résultats qui témoignent de la vigueur passée des entreprises. Par contre, elles sont à mettre en relation avec les prévisions des patrons d’entreprises. Un ou deux exemples ? Bekaert qui a eu un parcours cahotique en ce début d’année. L’entreprise est à la peine sur le marché chinois sur lequel elle avait capitalisé au cours des années écoulées en installant des usines sur place. En 2010, l’action Bekaert avait dominé la Bourse de Bruxelles en multipliant son cours par deux. En 2011, elle a perdu 70 % de sa valeur : un gros concurrent chinois est venu se lancer sur un marché juteux, celui du fil de fer à scier les plaques de silicium utilisées dans la production de panneaux phovoltaïques. Les Chinois fournissent la même chose pour moins cher. Catastrophe. Et cette année, Bekaert annonce que la situation ne va pas s’améliorer, au contraire. En Bourse, on a donc fait payer les mauvaises perspectives de la société. Et certains actionnaires ne sont pas très satisfaits de la manière dont on leur a présenté les choses. Un autre exemple : Mobistar. Le nouveau patron de la boîte a dû entamer les présentations avec la presse et les actionnaires sur base de résultats 2011 pas terribles et sur des prévisions 2011 qui ne le sont pas plus. La Bourse n’a pas apprécié : moins 10% en une seule journée. Bon, la société qui est une filiale de France Télécom a pour habitude de payer une gros dividende. Ce qui lui donne actuellement un rendement de 9% bruts. On est sans doute au plancher. Mais faut-il acheter ? Les investisseurs sérieux préfèrent suivre le vent… C’est le cas des amateurs de croissance qui continuent d’acheter des actions du groupe Apple. Ici, c’est clair, il y a des résultats, de la croissance et du potentiel. Ca finira par se calmer mais pour le moment, c’est toujours positif. La semaine passée, le titre a frôlé les 500 dollars ce qui en fait à présent la plus grosse capitalisation boursière mondiale avec près de 450 milliards de dollars. Et ici, on est plus dans le réel que la psychologie. Un des paramètres que l’on peut regarder sans trop de difficulté et sans trop de risque de se tromper à propos d’une action, c’est le « price/earnings » soit le rapport entre le cours d’une action et sa part du bénéfice. La moyenne tous secteurs confondus, c’est 12 ou 14. Et une valeur comme Apple sur laquelle on a une bonne visibilité, se traite à 11 sur base des résultats espérés pour 2012. Pour se construire un bon portefeuille, ce serait un bon exemple. Mais encore une fois, ce ratio n’est pas le même pour tous les secteurs économiques. C’est donc un indicateur à ajouter à d’autres informations avant de faire un choix.