Survoler la falaise budgétaire en parapente

Par William De Vijlder, BNP Paribas Investment Partners

Dernièrement, « avant de tomber dans les bras de Morphée », j’ai consulté le site web de Bloomberg et y ai lu que Wall Street était à la fête en raison d’échos positifs sur le budget à Washington DC.  Le lendemain, même rituel du soir, mais j’ai lu à l’inverse que la Bourse déprimait par manque d’avancées dans les discussions. Le troisième soir, je n’ai pas consulté le site Internet…

Les sauts d’humeur de la Bourse continueront encore quelques semaines et à mesure que nous approcherons de la date butoir de cette fin d’année, la crainte que l’improbable se produise quand même augmentera : à défaut d’un accord entre démocrates et républicains, des coupes seront automatiquement réalisées dans les dépenses et le contribuable recevra une note d’impôts plus salée, conformément à l’accord conclu en 2011 quelques heures après l’échéance et signé par le président Obama le 2 août 2011 (qui a permis de relever immédiatement le plafond de la dette américaine). L’expérience de 2011 montre qu’il n’est pas du tout exclu que les discussions sur ce « fiscal cliff » débouchent sur un « cliffhanger » (désolé pour le jeu de mot), même si tout le monde est bien conscient que l’absence d’accord n’est pas envisageable. Ni en 2011, car la machine gouvernementale aurait alors été paralysée, ni en 2012 en raison de la récession qui suivrait en 2013.

Néanmoins, aussi rationnellement que soit abordée cette problématique, la peur s’emparera des marchés si l’inimaginable devient un peu moins inimaginable. Les actions plongeront indubitablement. Un autre facteur susceptible de jouer un rôle en décembre est la perspective d’une augmentation des taxes sur les plus-values, qui incitera les investisseurs à prendre dès à présent leurs bénéfices et à recommencer l’année sur de nouvelles bases.

Une telle faiblesse boursière constitue une belle opportunité d’achat pour l’investisseur dynamique. Cette approche peut paraître audacieuse mais elle vaut la peine de se lancer (d’où le titre de ce blog). Voici huit raisons d’y croire :

1)      Le rapport cours/bénéfices n’est pas trop élevé

2)      L’économie américaine baigne dans les liquidités injectées par la Fed

3)  La Fed envisage même de continuer à acheter mensuellement 45 Mrd USD d’obligations d’État comme elle l’a fait jusqu’ ici dans le cadre de l’Operation Twist (et pour lequel un montant équivalent de papier à court terme est vendu), même si cette opération se clôture à la fin de cette année. Ajoutez à ce montant les 40 Mrd USD de titres hypothécaires achetés (Mortgage-backed securities ou MBS) dans le cadre du QE3, et vous arrivez à la somme de 85 Mrd USD injectés dans le système chaque mois.

4)      Les obligations d’entreprises sont chères par rapport aux actions. En incluant le prix de rachat des actions, le rendement du dividende est plus élevé que celui des obligations d’entreprises de grande qualité.

5)      Les bons du Trésor sont très chers par rapport aux actions

6)      Les investisseurs américains qui vendent pour des raisons fiscales reviendront vers le marché en début d’année.

7)      Très souvent, le début d’année est positif pour les Bourses (« effet janvier »), non seulement en raison du point précédent, mais aussi parce que les investisseurs professionnels recommencent à zéro : les objectifs de performance doivent encore être atteints, donc à moins d’être très pessimistes, ils auront tendance à acheter des actions. En cas de déconvenue, ils pourront toujours limiter leurs pertes en les revendant. S’ils démarrent l’année avec un large volant de liquidités et que les Bourses s’envolent, ils seront obligés de courir après des cours supérieurs, sachant que les bénéfices attendus pour le restant de l’année seront inférieurs parce que les cours auront déjà grimpé une fois (le meilleur sera déjà en partie passé).

8)      Les statistiques économiques américaines s’améliorent de sorte que la conjoncture est moins incertaine.

L’investisseur dynamique a donc suffisamment de raisons de tenter sa chance lorsque les marchés souffrent des débats dans la capitale américaine. Je souligne à ce sujet le mot « dynamique », dans le sens « qui dispose d’un horizon d’investissement de quelques semaines ». Au-delà de cette période, d’autres facteurs entreront en jeu.