La Revue : Une confiance réservée

Malgré les inquiétudes qui pèsent sur la dette espagnole, la plupart des analystes semblent relativement confiants sur l’évolution des marchés. Il semblerait que l’économie américaine se dirige vers une trajectoire plus soutenue en termes de croissance. Cette constatation résulte de l’analyse du marché du travail Outre-Atlantique qui démontre des signes de relance. En ce qui concerne l’Europe, les politiciens semblent conscients de la situation suite au succès mitigé de la dernière émission espagnole et sont prêts à maintenir la trajectoire vers un redressement des finances de ce pays.

Mais cette confiance est nuancée. « Malgré ces améliorations, les défis sont toujours présents et nous restons persuadés que la volatilité sur les marchés dans les mois à venir sera encore élevée par rapport à ce que nous avons connu durant le premier trimestre de cette année. Dans les risques que nous entrevoyons, nous incluons une récession en Europe potentiellement menée par des problèmes financiers plus larges, des chiffres plus alarmants qu’attendu en Chine, une diminution de la croissance du marché du travail aux Etats-Unis et une future hausse des prix du pétrole et du gaz. Malgré tout cela, nous continuons à penser que les aspects positifs seront supérieurs aux négatifs », affirme Bob Doll, Chief Equity Strategist  chez BlackRock.

Chez AXA Investments Managers, Raphael Galardo et Franz Wenzel tablent sur la confirmation d’un rebond industriel mondial basé sur un réveil du cycle chinois attendu durant les prochains mois et sur la consolidation de la croissance américaine même si cette économie est toujours maintenue sous perfusion monétaire. Malgré la subsistance du risque souverain au sud de l’Europe, ces économistes pensent que nous nous dirigeons vers une stabilisation de l’économie européenne.

Une position que nuance cependant les analystes de chez KBC. « Réduire les déséquilibres au sein de l’UEM est un défi plus important. Si les pays déficitaires doivent se soumettre à des réformes structurelles et à une dévaluation interne basée sur la modération salariale, les pays excédentaires ont, eux aussi, un rôle à jouer dans le processus d’adaptation. Alors qu’un pays déficitaire tel que l’Espagne bride sa demande intérieure par des mesures d’austérité, les pays excédentaires (l’Allemagne en particulier) négligent de la stimuler, bien qu’ils aient suffisamment de marge pour le faire. Étant donné que l’UEM dans son ensemble est en équilibre avec le reste de l’économie mondiale, les excédents de l’un de ses États membres sont pour une large part les déficits de l’autre. Si les dirigeants des pays excédentaires et de la Commission européenne prenaient conscience de cette logique élémentaire, l’inévitable processus d’adaptation serait déjà nettement moins douloureux», souligne Pieter Guffens de chez KBC.

Le danger semble venir du prix du pétrole sur lequel pèsent toutes les incertitudes politiques liées à la situation en Syrie et en Iran. Ce serait un des facteurs primordiaux qui pourraient peser sur les marchés.

Dans l’allocation d’actifs, les analystes d’AXA IM gardent cependant un biais positif sur les marchés d’actions en étant toutefois conscients de leur fragilité temporaire. Leur préférence se porte aussi sur les obligations corporate. Les analystes d’Invesco font, quant à eux, la comparaison entre ce que nous vivons aujourd’hui et ce que nous avons vécu en 2009. Comme en 2009, lorsque s’éloigne le spectre d’une catastrophe généralisée, l’appétit pour le risque augmente et se propage à tous les secteurs de l’économie. « Malgré les énormes progrès réalisés depuis le déclenchement de la crise et la plus faible probabilité d’un événement de nature systémique, le contexte global reste néanmoins difficile. Pour tenir le cap et voir encore augmenter leurs multiples de valorisation, les sociétés « survivantes » et leurs secteurs d’appartenance devront fournir de nouvelles preuves de l’amélioration de leurs perspectives », estime Luke Stellini, Directeur Produits Actions Européennes chez Invesco Perpetual.

Dans ce contexte, il est plus que probable que les investisseurs se dirigeront vers des actions sous-évaluées de secteurs variés et en particulier vers des sociétés versant des dividendes élevés. Plus prudents, les analystes d’AXA IM conseillent quant à eux de maintenir une couverture, au moins partielle, sur la partie actions des portefeuilles. A la Banque de Luxembourg, Guy Wagner met en garde contre un certain optimisme. « Chez BLI, nous ne sommes pas à l’aise avec une stratégie qui consisterait à acheter « parce qu’il y a beaucoup de liquidités » ou « parce que les taux d’intérêt sont tellement bas ». L’histoire montre que chaque tentative de faire monter la valeur des actifs financiers avec de l’argent bon marché a à la longue échoué. Ceci est d’ailleurs logique puisque plutôt que de résoudre les problèmes fondamentaux, l’argent bon marché ne fait que les aggraver », souligne ce Chief Economist. Si une certaine confiance est maintenue, elle l’est donc avec encore beaucoup de nuances.