Le cours du pétrole a toujours fait l’objet de fortes fluctuations qui ne reflètent pas nécessairement les perspectives d’évolution de l’offre et de la demande. Lorsqu’on tente d’évaluer le cours futur de l’or noir, il faut aussi tenir compte de plusieurs facteurs, souvent masqués par les fluctuations à court terme. Parmi ces facteurs, citons par exemple :
- la situation budgétaire des pays producteurs de pétrole
- les tendances démographiques dans le monde ;
- ou encore le coût de revient des nouveaux projets.
Après avoir démarré l’année sur les chapeaux de roue avec un bond de 105 à 125 dollars le baril, le cours du brent a vu son prix s’éroder en moins de six semaines alors que la crise de l’euro repartait de plus belle. Le ralentissement de la croissance mondiale a assombri davantage encore les perspectives, ravivant la crainte d’une nouvelle baisse importante des cours pétroliers. Lorsqu’il y a quelques semaines, l’Iran annonça qu’il était prêt à entamer des négociations sur le développement de son programme nucléaire, c’est un autre pilier important du cours de l’or noir qui a vacillé suite à la diminution du risque d’une pénurie soudaine de pétrole. Depuis fin février, le cours du pétrole reste relativement stable parce que les Saoudiens ont affirmé qu’ils compenseraient par une hausse de leur production toute pénurie provoquée par des sanctions à l’encontre de l’Iran.
Joignant l’acte à la parole, les Saoudiens ont, l’année dernière, augmenté leur production d’un million de barils, qui est ainsi passée à 10 millions de barils par jour, ce qui est largement suffisant pour compenser l’impact des sanctions contre l’Iran. Mais comme beaucoup d’autres pays de l’OPEP, l’Arabie Saoudite a besoin d’un prix du pétrole d’au moins 85 dollars pour éviter des problèmes budgétaires. Le ministre saoudien du pétrole a également déclaré qu’il aimerait voir le cours du pétrole se stabiliser aux alentours de 100 dollars le baril, tandis que les chiffres du mois de mai montrent qu’entre-temps, l’Arabie Saoudite a ramené sa production à 9,8 millions de barils.
La tendance démographique constitue un autre soutien majeur du cours du pétrole. Étant donné la forte corrélation entre la consommation de pétrole et la progression du bien-être, on peut anticiper un triplement de la consommation d’énergie en Chine au cours de la prochaine décennie. Les mesures d’économies d’énergie ne pourront que freiner cette progression, comme le montre l’évolution de la consommation aux États-Unis, qui est restée stable ces dernières années malgré les améliorations apportées sur le plan de l’efficience énergétique. Le ralentissement récent de la croissance de la demande chinoise de pétrole n’est qu’un phénomène passager. Les mesures prises récemment par la Chine pour stimuler l’économie devraient d’ailleurs relancer la demande.
Afin d’améliorer les perspectives en matière de réserves et de stock, le secteur pétrolier s’est lancé dans l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements. Et dans ce contexte, l’Afrique apparaît de plus en plus comme le nouvel Eldorado, avec la découverte d’importants gisements au Ghana, en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie et au Mozambique. Outre les grandes compagnies pétrolières comme Statoil, Anadarko, ENI et BG, de nombreuses sociétés d’exploration de taille plus réduite sont, elles aussi, très actives en Afrique. La surenchère entre Shell et la compagnie pétrolière thaïlandaise PTT pour le rachat de Cove Energy, active au Mozambique, témoigne de l’intérêt croissant que suscitent les réserves de pétrole et de gaz du continent africain.
Du côté de l’offre actuelle, la marge de manœuvre reste relativement étroite, la production de l’OPEP ayant avoisiné les maxima durant les cinq dernières années, avec en conséquence, une capacité de réserve limitée. La latitude disponible pour palier d’éventuels soubresauts de la production engendrés par des conflits au Soudan, au Yémen, en Syrie et en Iran notamment dépasse à peine les 2 millions de barils, contre plus de 4 millions il y a deux ans. Une nouvelle baisse du cours du pétrole entraînerait aussi une contraction partielle de l’offre, l’or noir perdant de sa rentabilité lorsque les cours sont trop bas. De nombreux projets canadiens axés sur le « heavy oil », c’est-à-dire entre autre l’exploitation du pétrole au départ de sables bitumeux, ne sont rentables que si le prix du pétrole est supérieur à 80 dollars. Compte tenu de l’équilibre fragile entre l’offre et la demande, ce type de projet à coût de revient marginal élevé par baril apparaît dès lors nécessaire pour préserver l’équilibre du marché. Qui plus est, 80 dollars est le prix indicatif que retiennent de nombreuses compagnies pétrolières lorsqu’elles établissent les budgets de nouveaux projets. Un repli sous ce prix indicatif entraînerait automatiquement l’annulation ou le report de certains projets et, par conséquent, une contraction de l’offre future.
A brève échéance, le cours du pétrole restera donc très dépendant du climat économique international et, en particulier, de la crise de l’euro. L’Arabie Saoudite rappelle que, si elle a augmenté sa production pour faire baisser le prix du pétrole, c’était avant tout pour stimuler la relance mondiale, et celle de l’économie européenne en particulier. Aussi longtemps que la crise de l’euro perdure, les Saoudiens ne refermeront donc pas le robinet du pétrole, à moins que le cours de l’or noir ne franchisse la ligne critique qui menace leur propre équilibre budgétaire.
Merci. J’ai bien mieux compris ce qui influence le prix du pétrole et pourquoi il subit un tel système de yoyo.