La crise du système bancaire et financier en 2008 et la crise de la dette souveraine qui en a résulté ont très peu affecté les résultats des sociétés du secteur du luxe. Les marchés financiers, qui ont toujours considéré le secteur du luxe comme un secteur très cyclique, se sont rendu compte, depuis 2008, qu’il s’agissait d’un secteur moins sensible au ralentissement de l’économie qu’il n’y parait. Cette prise de conscience collective se démontre aisément en observant les variations des cours de bourse entre les deux crises, ainsi que les variations des marges opérationnelles des sociétés.
Pourquoi le secteur du luxe est-il devenu moins sensible aux crises ?
Plusieurs éléments expliquent cette résistance opérationnelle et cette surperformance boursière :
– L’élément principal est l’exposition très forte aux pays émergents. Le luxe est un des rares secteurs étant aussi exposé. Ces marchés représentent plus de 40 % du chiffre d’affaires du secteur localement et 55 % en tenant compte des flux touristiques provenant des populations émergentes. Depuis quelques années, les Chinois sont devenus les principaux contributeurs à l’instar des Japonais antérieurement. Les produits de luxe bénéficient d’un grand attrait des consommateurs des pays émergents principalement pour l’image d’ascension sociale que les grandes marques procurent.
– Le secteur compte parmi les rares à profiter d’un important pouvoir de fixation des prix (« pricing power »), c’est à dire qu’il est capable, même dans une période de ralentissement économique, d’augmenter ses prix auprès des consommateurs. Deux principaux éléments expliquent ce rapport de force entre les marques et les clients. Tout d’abord pour attiser l’appétit des consommateurs, il est nécessaire dans l’industrie de créer une raréfaction et une exclusivité des produits. Il est donc préférable d’augmenter plutôt les prix que les volumes. Ensuite, les entreprises du secteur du luxe ont subi des contraintes de production compte tenu de la forte demande provenant des pays émergents. Etant donné le délai de formation des artisans employés en Europe – près de deux ans dans l’industrie horlogère- augmenter la capacité de production nécessite un délai non négligeable. L’ajustement de l’offre et de la demande s’est donc effectué par les prix, à défaut de volume.
– Les sociétés de luxe cotées en bourse bénéficient d’une grande qualité financière avec des bilans sains, c’est à dire avec pas ou peu de dette, des marges élevées et une rentabilité supérieure à la moyenne du marché. Dans le contexte actuel, le marché paie une prime pour une telle qualité et visibilité.
– L’industrie du luxe est très liée aux flux de touristes. Les Japonais et maintenant les Chinois, qui voyagent de plus en plus à travers le monde, contribuent à la performance des marchés européens et nord-américain. Ceci explique que, dans ces régions, on constate une forte disparité de croissance de revenus entre le secteur luxe et les autres secteurs.
– Les sociétés du luxe ont su très tôt développer un business model leur permettant de réaliser une croissance supérieure à d’autres industries. Elles sont verticalement intégrées avec, aussi bien un contrôle de leur distribution que le contrôle de leur production. Ceci leur garantit une grande connaissance de leurs consommateurs et une maitrise de la qualité obtenue en production.
– Le secteur est composé de peu de marques de luxe susceptibles d’être des succès internationaux. Cela signifie pour les rares noms prestigieux que sont Louis Vuitton, Hermes, Chanel, Cartier, Patek Philippe, etc. des barrières à l’entrée très élevées existent face à la concurrence. Il existe peu de nouvel entrant et les marques installées ne sont pas remises en question, compte tenu de l’héritage historique qu’elles ont.
– Le secteur du luxe, à la différence de bien d’autres, est très peu impacté par les modifications de réglementation et encore moins par les changements technologiques. Ce type de mutations n’impactent donc pas les entreprises en terme de coût ou d’investissements nécessaires.