Existe-t-il encore un secret bancaire en Belgique ?

Par PwC Tax Consultants

Nous connaissons en Belgique le principe du « secret bancaire » à l’instar de la Suisse et du Luxembourg. Ce principe a toutefois fait l’objet de nombreuses critiques, venant notamment de l’OCDE. Le but de cet article est de présenter les grands axes du secret bancaire en Belgique, d’exposer ensuite les exceptions au secret bancaire telles qu’elles existaient avant le 1er juillet 2011, et d’évoquer enfin le régime en vigueur depuis le 1er juillet 2011 qui en a fortement réduit la portée.

  1. Grands principes

Il existe en Belgique un « secret bancaire », consacré dans le Code des impôts sur les Revenus  qui constitue toutefois davantage un devoir de discrétion plutôt qu’un secret professionnel.  En effet, contrairement au secret professionnel, la violation du « secret bancaire » ne peut engager pénalement la responsabilité du banquier.

Sur base de ce « secret bancaire » ou devoir de discrétion, l’Administration fiscale ne peut requérir des banques qu’elles délivrent des informations en vue de procéder à l’imposition de leurs clients. Pour être plus précis, sont  notamment visées par cette disposition les banques et caisses d’épargne belges, les sociétés belges de prêt et de crédits hypothécaires, les sociétés belges de financement de ventes à tempérament, les sociétés émettrices de cartes de crédit mais également, selon la jurisprudence, les sociétés de leasing.

Le devoir de discrétion des banques constitue une limite aux pouvoirs d’investigation du fisc mais  il ne peut être opposé en toute circonstance.

Premièrement, il  ne trouve à s’appliquer qu’en matière d’impôt sur les revenus. Ainsi, en matière de droits de succession par exemple, les banques ne peuvent se retrancher derrière un quelconque  secret bancaire  et sont tenues de fournir à l’Administration fiscale tout renseignement nécessaire en vue de la juste perception des droits en matière successorale.

Deuxièmement, ce  principe a été fortement battu en brèche ces dernières années, sous la pression de l’OCDE, qui, en raison de ce secret bancaire, avait placé la Belgique sur la liste grise des paradis fiscaux, mais également sous la pression de ses détracteurs qui considèrent que le secret bancaire constitue un obstacle important dans  la lutte contre la fraude fiscale.

Néanmoins, cela fait plus de 30 ans (c’est-à-dire depuis l’introduction de ce « secret bancaire ») qu’il est possible de le lever mais seulement dans des circonstances bien strictes. Récemment, ces circonstances ont été quelque peu assouplies afin de limiter ce secret bancaire

  1. Régime antérieur

Avant le 1er juillet 2011,  il était déjà prévu que le secret bancaire n’était pas d’application dans des circonstances spécifiques précisées par le Code des impôts sur le Revenus lui-même.

Tout d’abord, le secret bancaire peut  être levé lorsqu’une enquête menée par l’Administration faisait apparaitre  « des éléments concrets permettant de présumer l’existence ou la préparation d’un mécanisme de  fraude fiscale ». On vise donc par là des manœuvres frauduleuses réalisées par le contribuable en vue de dissimuler sa situation fiscale auprès du fisc.

Ensuite, le secret bancaire ne s’applique pas lorsqu’il s’agit non pas d’établir mais de recouvrer l’impôt dû par le contribuable.

 En outre, sous la pression de l’OCDE, la Belgique avait consenti à inscrire une clause, dans les conventions préventives de double imposition signées avec certains Etats, disposant qu’elle ne pouvait se retrancher derrière son secret bancaire en cas de demande de renseignements relative à un contribuable déterminé, formulée par un Etat cocontractant.

Par ailleurs, il est également possible de lever le secret bancaire dans le cadre de poursuites pénales.

Enfin, le secret bancaire n’est pas non plus opposable en cas de réclamation introduite par le contribuable auprès de l’Administration fiscale. En effet, on considère que, dans cette situation, le contribuable renonce de facto à la protection de son secret bancaire. Précisons toutefois que les informations requises par le fisc auprès des institutions bancaires doivent avoir un lien avec la réclamation.

  1. Les nouvelles limites au secret bancaire

Comme nous l’avons évoqué plus haut, le secret bancaire a fait l’objet d’une réforme entrée en vigueur le 1er juillet 2011. Celle-ci maintient le secret bancaire dans son principe,  laisse intactes les exceptions qui ont été soulevées ci-dessus mais institue toutefois une nouvelle procédure permettant à l’Administration sous certaines conditions de se faire remettre tous renseignements qu’elle juge nécessaires à l’effet d’assurer la juste perception de l’impôt, et partant d’accéder à des données bancaires concernant un contribuable déterminé.

Trois situations sont visées.

Dans la première situation, l’Administration peut faire usage de la nouvelle procédure lorsqu’elle dispose à la suite d’une enquête d’un ou plusieurs indices de fraude fiscale, par exemple, lorsqu’elle constate l’usage par le contribuable de fausses factures ou encore lorsqu’elle constate que le contribuable n’a pas mentionné l’existence d’un compte bancaire. A cet égard, il est important de préciser que la fraude ne doit pas être formellement établie, une présomption de fraude suffit pour autant que les indices en question présentent une certaine crédibilité. On voit dès lors qu’on ne se limite plus dans cette hypothèse à des « mécanismes de fraude ».

Dans la deuxième situation, l’Administration peut faire usage de la procédure visant à lever le secret bancaire lorsqu’elle envisage de procéder à la procédure de taxation indiciaire,  procédure  qui permet à l’Administration d’évaluer la base imposable du contribuable, « d’après des signes ou indices d’où résulte une aisance supérieure à celle qu’attestent les revenus déclarés ».

La dernière situation vise le cas de demande de renseignements formulée par un Etat étranger. Notons toutefois qu’on vise ici un échange de renseignements sur demande et non pas un échange de renseignements qui serait purement spontané.

Pour que le secret bancaire puisse être levé dans ces hypothèses, une procédure particulière doit être suivie. Tout d’abord, l’Administration est tenue de s’adresser en premier lieu au contribuable afin d’obtenir les renseignements nécessaires en vue de l’imposition envisagée. Le contribuable  dispose ensuite d’un mois pour répondre de manière écrite à cette demande de renseignements

Si le contribuable refuse de répondre à cette demande de renseignements ou n’y répond que de manière incomplète, l’Administration fiscale peut alors s’adresser aux institutions bancaires tout en informant le contribuable concerné. L’enquête devra donc porter sur un ou des contribuables déterminés spécifiquement. Le but étant d’éviter que l’Administration n’utilise cette procédure pour récolter des informations concernant d’autres contribuables.

Par ailleurs, il a été institué un nouveau point de contact central tenu par la Banque Nationale de Belgique auquel  les établissements de banque, de crédit et d’épargne seront tenus de déclarer l’identité de leurs clients,  les numéros de leurs comptes et les contrats.  Ce point de contact pourra être consulté dans le cadre de l’enquête décrite ci-dessus à moins toutefois que l’Administration ne recourt à cette procédure lorsqu’elle envisage de recourir à une taxation indiciaire. Dans cette situation, l’Administration pourra s’adresser directement à l’établissement bancaire du contribuable mais ne pourra pas consulter ce point de contact central tenu auprès de la Banque Nationale de Belgique.

  1. Obligations déclaratives du contribuable

Depuis le 1er janvier 2012, toute personne physique a l’obligation de déclarer tous les revenus mobiliers qu’elle perçoit dans le cadre de sa déclaration annuelle à l’impôt des personnes physiques. Ce travail, qui aurait pu se révéler fastidieux pour les contribuables comme pour les établissements bancaires, ne devra peut-être jamais être effectué. En effet, dans le cadre des discussions relatives aux mesures budgétaires 2013, le gouvernement semble s’être accordé pour uniformiser le précompte mobilier sur les dividendes et intérêts à un taux de 25% et parallèlement pour supprimer l’obligation de déclaration de ces revenus (sauf pour ceux qui seraient redevables de la cotisation supplémentaire de 4% – nous vous renvoyons à notre précédente contribution à cet égard), de façon à rendre le précompte mobilier à nouveau libératoire.

L’obligation pour le contribuable de déclarer, auprès du point de contact central mentionné plus haut, tenu par la Banque Nationale de Belgique, les comptes qu’il détient à l’étranger, subsiste quant à elle.  En d’autres termes, l’existence de comptes bancaires étrangers et le pays où ces comptes sont ouverts doivent être mentionnés dans la déclaration fiscale comme c’est le cas depuis longtemps, et en outre, les numéros de comptes et l’identité des bénéficiaires de tous les comptes devront être communiqués par le contribuable auprès du point de contact central.

Enfin, toujours dans le cadre des discussions sur le budget 2013,  il est évoqué que les contrats d’assurance-vie devront également faire l’objet d’une déclaration par le contribuable.


Une réponse sur “Existe-t-il encore un secret bancaire en Belgique ?”

  1. Personnellement, en tant que citoyenne, je serais pour le secret bancaire. Je n’aimerais pas que mes informations bancaires soient disponibles pour tous, il me faut quant même un peu d’intimité. Mais du point de vue de l’Administration, je dois avouer que l’anéantissement du secret bancaire lui faciliterait beaucoup la tâche.

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