Les deux visages du mois de septembre

Par William De Vijlder, BNP Paribas Investment Partners

Contre toute attente, l’été s’est avéré fructueux pour les marchés financiers, en contraste frappant avec l’année dernière. Ainsi, les hausses de cours de ces dernières semaines sont surtout attribuables à ce qu’on pourrait appeler le « put » des banques centrales, les investisseurs étant convaincus que, si nécessaire, les banques centrales n’hésiteraient pas à intervenir. Dans un tel contexte, la morosité des chiffres est dès lors relativisée.

Ce sentiment est particulièrement notable en ce qui concerne la Chine, où les chiffres, réellement, très décevants alimentent les attentes en faveur de nouvelles mesures de soutien. Il n’y a en soi rien de mal à cela : la politique des banques centrales et des autorités (à savoir ceux qui disposent d’une marge de manœuvre) doivent avoir pour objectif le soutien à l’économie lorsque celle-ci va mal (même les banques centrales dont le mandat vise uniquement la stabilité de l’inflation prendront ce type de mesures pour éviter qu’un pays ne tombe dans la déflation). Le constat est le même aux États-Unis, où le dernier rapport du comité de politique monétaire de la Réserve fédérale indique clairement que même si les chiffres s’amélioraient soudain sensiblement d’ici à la réunion des 12 et 13 septembre, le signal serait donné de maintenir le taux des Fed funds encore plus longtemps au niveau actuel (la fin de l’année 2014 était jusqu’à présent l’échéance avancée).

Au sein de la zone euro, Mario Draghi a « souscrit un put » au travers de ses déclarations du 26 juillet dernier à Londres. « Dans le cadre de notre mandat, la BCE est prête à mettre tout en œuvre pour préserver l’euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant. » Voilà qui est on ne peut plus clair. La déception qui a suivi la conférence de presse de la BCE le 2 août, lors de laquelle le président a parlé des conditions (un pays doit d’abord demander de l’aide par le biais du MES et accepter les conditions avant que la BCE intervienne), n’a pas fait long feu et les marchés ont continué de grimper. Cette attitude reflète l’anticipation d’un scénario bien déterminé. Première étape : la Cour constitutionnelle allemande remet un avis positif sur le MES le 12 septembre. Deuxième étape : l’Espagne frappe à son tour à la porte du MES/FESF et en accepte les conditions. À noter à cet égard que S&P a rassuré l’Espagne plus tôt cette semaine (sa demande d’aide n’aurait aucun impact sur sa notation), ce qui enlève une éventuelle épine du pied. Ensuite, les marchés feront aussi pression : si l’Espagne ne sollicite aucune aide, les investisseurs stupéfaits pourraient provoquer une envolée des taux en n’achetant plus d’obligations espagnoles. Troisième étape : la BCE entre en action pour faire baisser les spreads espagnols.

L’anticipation de ce scénario implique, par définition, que les cours boursiers intègrent déjà une grande partie de l’effet favorable qui en découle. Par conséquent, la réalisation de ces trois étapes entraînera des prises de bénéfices selon l’adage « achetez la rumeur, vendez les faits ». La Grèce est à ce sujet un catalyseur potentiel, car les marchés spéculeront sur le contenu du rapport de la troïka d’octobre et ses répercussions pour le pays. Autre catalyseur d’incertitudes : la croissance atone de l’économie mondiale. Les élections présidentielles américaines forment quant à elles le troisième catalyseur. Le premier débat entre les candidats se déroulera le 3 octobre et la situation budgétaire difficile suscitera immanquablement énormément d’attention (le contraire serait étonnant). S’agissant du budget, les États-Unis se trouvent coincés entre le marteau et l’enclume. Comme l’a fait savoir très clairement le Congressional Budget Office dans ses prévisions revues le 22 août dernier : soit les plans d’épargne prévus et les hausses d’impôts sont acceptées et ce « gouffre budgétaire » entraîne le pays dans une récession, soit le problème est postposé et entraînera un casse-tête plus tard.

Il semble donc que le mois de septembre aura deux visages : les investisseurs seront tout d’abord impatients de connaître l’évolution dans la zone euro et les décisions de la Fed, mais seront ensuite confrontés à la réalité de l’atonie de la croissance mondiale et d’une Amérique qui devra vivre selon ses moyens.