La dette gouvernementale en 2013 : l’année de la prudence

Par Dexia AM

La baisse des taux obligataires n’est pas une surprise. Depuis l’éclatement de la bulle du crédit privé dans les pays développés, les banques centrales n’ont eu d’autres choix que de pratiquer une politique de taux zéro, combinée à l’achat massif de titres d’Etat. Elles avaient ainsi pour but délibéré d’orienter les taux longs à la baisse alors que la dette publique s’accumulait.

Aujourd’hui, même si la croissance globale retrouve des couleurs, de faibles niveaux de taux longs sont encore nécessaires afin de ne pas geler les « pousses vertes » de l’économie. Pour autant, un ajustement progressif du niveau des taux ne doit pas être exclu en 2013. Aux États Unis, la fin de l’opération Twist pose la question de nouveaux achats de dette étatique par la FED. Alors que cette dernière possède en moyenne près de 30% de la dette fédérale (voire 40% sur certaines émissions longues) nous nous approchons progressivement de la limite de son action. Alors qu’elle devrait conserver son taux directeur à 0,25% en 2013, la question des stratégies de sortie se posera progressivement avec la baisse du taux de chômage.

De plus, avec une croissance qui devrait rester proche des 2% et un déficit de 7% en 2012, la nouvelle administration Obama devra trouver les compromis budgétaires nécessaires à la réduction de la dette fédérale, tout en évitant le piège de la «falaise fiscale » de début d’année. Dans ce contexte, nous pensons que les taux longs américains devraient remonter progressivement au-dessus des 2%. Cette hausse sera surtout visible sur la partie longue de la courbe, tandis que la partie courte continuera à bénéficier de l’action de la FED.

En Europe, la divergence de valorisation entre les États complexifie la donne. Alors que la zone euro a été menacée d’implosion, les actions conjointes des autorités monétaires et budgétaires ont permis de juguler la contagion et de ramener les primes de risque des pays périphériques à leur plus bas niveaux depuis deux ans. 2012 fut un tournant pour la zone euro.  Cette réussite est à attribuer en premier chef à la BCE qui, une nouvelle fois, a dû sortir de son carcan doctrinal et statutaire afin de mener une politique d’expansion monétaire. Sa dernière trouvaille de l’été, l’OMT (Pour Outright Monetary Transactions, rachat de dettes courtes sans limite ex-ante de montant), n’a pour l’instant toujours pas été activée, mais sa seule force de dissuasion quasi-nucléaire est parvenue à décourager tous les spéculateurs.

Sur le plan budgétaire des efforts ont été également consentis. Le desserrement des objectifs de réduction de déficit et la diminution du coût des prêts européens constituent des assouplissements nécessaires aux programmes d’austérité. Ces derniers se sont avérés totalement irréalisables, tant la troïka avait sous-estimé les multiplicateurs fiscaux et l’impact désastreux de l’austérité sur la croissance des États. Dans la même veine, l’idée du PSI (restructuration de la dette visant à faire payer les détenteurs privés) a été abandonnée à juste titre, cette option ayant contribué à alimenter la contagion en 2011.

Pour autant peut-on dire que la crise de la zone euro est résolue ? Il est trop tôt pour le dire et les obstacles restent nombreux. Ainsi l’utilisation de l’OMT comporte des risques d’implémentation sous-estimés par les marchés. Sa capacité d’intervention,  sa conditionnalité ainsi que le risque de séniorité implicite de la BCE constituent des inconnues à clarifier au plus vite afin d’éviter un retour de la contagion. Dans ce même registre, l’inclusion des CACs (Clauses d’Action Collective) début 2013 rendra sans aucun doute les marchés circonspects quant à l’achat par la BCE d’obligations espagnoles émises en 2013 sous ce régime et donc soumises à un risque de restructuration potentiel. Le deuxième obstacle à la résolution définitive de la crise provient  évidemment des hypothèses de croissance et de l’impact des programmes d’austérité. Alors que la zone euro pourrait demeurer en récession en 2013, la résurgence du risque politique italien et budgétaire espagnol pourraient attiser la nervosité des marchés. De tels risques nous incitent aujourd’hui à rester prudents et si nous pouvons conseiller des achats de dettes périphériques, cela ne peut être que sous certaines conditions, comme par exemple l’achat de dettes espagnoles émises avant 2013, de maturité proche des 3 ans, après activation de l’OMT. Les pays cœur de la zone euro nous semblent moins attractifs : nous nous attendons à un rebond progressif des taux allemands en réponse à l’accroissement du bilan de la BCE. La prudence reste également de mise alors que les écarts de taux entre Allemagne et les pays cœur sont au plus bas.

Dans ce contexte, en 2013, face à la cherté de nombreuses obligations, l’investisseur devra faire preuve d’ingéniosité pour améliorer ses perspectives de rendement. Il peut regarder du côté de la dette norévégienne voire canadienne. Enfin, alors que les économies développées sont encore convalescentes de la crise passée, nous continuons de regarder du côté des pays émergents. Avec une croissance élevée et un faible niveau d’endettement, les obligations émergentes restent l’alternative incontournable pour l’investisseur obligataire.