Plusieurs études réalisées des deux côtés de l’Atlantique ont démontré que les femmes étaient, en général, plus soucieuses que les hommes d’investir leurs capitaux de façon éthique. Aux Etats-Unis, les femmes sont sorties de leur foyer, ont investi le marché du travail, ont étudié dans des programmes de MBA, ont grimpé l’échelle organisationnelle dans les entreprises, ont pris des places dans les conseils d’administration et ont, de ce fait, apporté leur affinité naturelle vers la responsabilité sociale en entreprise au sein des sociétés américaines.
On constate que 60% des épargnants américains qui investissent consciemment dans les placements ISR sont des femmes. Généralement, on constate que les femmes sont davantage intéressées par les problématiques relatives à l’écologie, l’éthique ou les microcrédits.
En France, au début des années 80, c’est une religieuse, Sœur Nicole Reille qui est la première à lancer avec la société Meeschaert un fonds d’investissement éthique destiné à répondre aux besoins des congrégations religieuses. Les agences de notation Arese, Vigeo et le centre de recherche Novethic ont été créés par des femmes. Dans les entreprises, les postes de responsables ISR sont souvent dévolus à des femmes.
Alors, les femmes sont-elles naturellement plus portées vers l’éthique que les hommes ? Ces constatations ne veulent pas dire que les hommes ne sont pas préoccupés par la responsabilité sociale des entreprises mais on constate que les hommes sont davantage orientés vers les règles et la justice alors que les femmes se concentrent plus sur les relations et les soins à apporter aux personnes.
Les explications à ces comportements peuvent se trouver du côté des différences biologiques et sociales entre les hommes et les femmes. Ces différences se reflètent immanquablement dans les décisions d’investir. Les femmes sont, sans doute à certains égards, plus visionnaires que les hommes car elles sont plus préoccupées du sort qui est réservé à leurs enfants. Les femmes n’hésitent pas à sortir des rangs pour s’exprimer, elles assument davantage leur quête de sens peut-être parce qu’elles ont moins à perdre que les hommes et que certains discours sont mieux acceptés venant de la gent féminine.
« Les femmes ont une vision plus holistique du monde. Elles considèrent qu’elles font partie d’un ensemble et, si elles veulent qu’un investissement leur rapporte un rendement, il ne doit pas s’obtenir au détriment des autres. Les hommes, par contre, ont souvent des difficultés à remettre en cause la légitimité de la règle du « tout à l’actionnaire ». L’homme est plus préoccupé du rendement à court terme de son investissement. Il chasse pour nourrir sa tribu. L’investissement doit donc être rentable à court terme. L’idée qu’on n’a pas le choix, la nécessité de la conquête et la recherche de la plus grande efficacité sont des notions typiquement masculines », explique Joëlle Lieberman, Directrice d’Egerie Research, une agence spécialisée en études de marchés qualitatives.
A cet égard, on relèvera que les termes utilisés en marketing sont très masculins : pénétration de marchés, capture de clientèle, conquête de parts de marché. Par contre, les femmes, qui restaient à attendre les hommes de retour de la chasse en s’occupant de la cueillette et des enfants, sont plus orientées vers le partage, la protection des leurs et la préservation de l’environnement. « Elles ont en elles cette notion archaïque qu’elles font partie d’un tout. Elles développent une vision à long terme qui les inscrit dans ce tout et qui est orientée vers le futur de leurs enfants», note Joëlle Lieberman. Les hommes ont un rapport plus analytique aux choses et pensent parfois qu’il n’y a rien à faire pour changer certaines situations trop complexes. Les femmes commencent, par contre, à faire de petits gestes à leur échelon en pensant que la somme des petits gestes pourra changer le monde.
Dans leurs placements, les femmes sont aussi plus conservatrices. « On dirait que la notion de bon père de famille a laissé la place à celle de bonne mère de famille. Comme si la femme ne voulait pas prendre de risques pour les autres, pour ses enfants. Les femmes ont une vision à long terme qui les porte donc plus naturellement que les hommes vers les placements éthiques. C’est une autre façon de se préoccuper de l’avenir de leurs enfants», estime Marie d’Huart, Directrice de Cap Conseil, société de consultance en développement durable, responsabilité sociétale et commerce durable. Les femmes ont moins l’obsession du chiffre à tout prix. On remarque aussi qu’elles sont plus conséquentes dans leurs comportements. « Les hommes ont tendance à davantage compartimenter leurs actes. Ils travaillent dans le monde des affaires avec les règles de ce monde. En marge de leur travail, il n’est pas rare de voir qu’ils développent des activités de philanthropie dans lesquelles ils s’éclatent vraiment. Les femmes ont tendance à moins cloisonner les différents aspects de leur vie, elles tendent à englober leurs valeurs dans tous les actes de leur vie comme étant un tout », remarque Marie d’Huart.
Bien sûr, ces schémas ne sont pas applicables à tous les hommes et à toutes les femmes. Chaque individu garde sa spécificité mais les grandes tendances démontrent que les femmes sont généralement plus sensibles que les hommes quant à la finalité à long terme de leurs décisions d’investir. Un comportement qui trouve sa source dans la nuit des temps.
Cet article est rédigé par la Banque Degroof
Ne peut-on pas observer le comportement des hommes et des femmes sans chercher à expliquer leurs éventuelles différences par des déterminismes venus de « la nuit des temps » ? Ces explications proviennent surtout de « la nuit de la pensée », ces stéréotypes idiots qui mettent les humains (et surtout les femmes) dans des cases pour s’économiser de réfléchir. Le comportement des hommes et des femmes doit certainement beaucoup plus à l’éducation consciente et inconsciente qu’ils ont reçue qu’à d’hypothétiques réminiscences de rôles tenus dans la famille Cro-Magnon.