Dans l’industrie d’exploration pétrolière, la pénurie de personnes compétentes n’est pas un fait nouveau. Elle se produit régulièrement au gré de l’évolution du prix du baril de pétrole comme entre 2004 et 2008 marquée par une flambée du prix du pétrole et par la relance de projets d’exploration devenus plus rentables, En effet, les investissements et les embauches dans ce secteur sont jusqu’à présent liés à des considérations financières à court terme étroitement corrélés à l’évolution du prix du baril. Ceci a généré une politique de recrutement de type « stop & go » dans l’activité Amont. La principale conséquence est d’avoir créé une pénurie de main-d’œuvre structurelle pouvant générer des risques environnementaux, sociaux et financiers importants.
En effet, la conséquence directe de cette politique « Stop & Go » est une pénurie de main-d’œuvre dans la catégorie « milieu de carrière », (personnes âgées entre 35 – 44 ans) dans le secteur. Ce constat soulève des questions car 50% du personnel doit partir à la retraite dans les 10 prochaines années et selon Schlumberger Business Consulting, il n’y aura pas suffisamment de personnel expérimenté pour remplacer les départs à venir (sachant que dans l’exploration il faut au moins une quinzaine d’années pour développer l’expérience nécessaire et suffisante pour faire face aux risques potentiels).
Par ailleurs, cette pénurie est inégale suivant les régions, cette inégalité étant due à 1) l’existence de différents obstacles à la mobilité de main-d’œuvre d’une région à une autre (comme par exemple au Canada) 2) au manque de moyens mis à disposition pour des formations spécifiques à cette industrie, notamment dans les pays pauvres comme l’Ouganda ou le Nigeria, et 3) à une désaffection de la génération estudiantine des années 90-2000 préférant l’industrie de la finance qui recrutait et offrait des salaires plus attractifs (dans les pays développés) que l’industrie pétrolière. Qui plus est, cette pénurie régionale peut créer des distorsions salariales comme en Azerbaïdjan qui, selon l’enquête sur les salaires 2010 de Hays[1] , serait le 5ème pays des pays producteurs offrant les plus hauts salaires pour attirer la main d’œuvre.
Nous pensons que les entreprises les plus risquées sont celles les plus exposées à des projets complexes et/ou aux régions où la main-d’œuvre qualifiée manque et dont la pyramide des âges serait défavorable..
Nous identifions deux risques potentiels liés à cette pénurie de main d’œuvre expérimentée:
– Un risque concernant la gestion de la sécurité : on a observé dans plusieurs industries, dont l’industrie minière, que la population des « très jeunes » ainsi que celle des « très âgés » sont les populations qui présentent des risques élevés. La première catégorie étant moins expérimentée peut prendre de mauvaises décisions face à un problème accidentel, et la deuxième est plus fragile physiquement, même si cette faiblesse est souvent compensée par l’expérience acquise. Le deuxième point qui peut accroitre le risque de sécurité est lié au recours, de plus en plus fréquent, à des sociétés de services pétroliers face à l’accroissement de la complexité des nouveaux projets. Pourquoi cela peut-il représenter un risque de nature sécuritaire ? Parce que la gestion d’experts de plusieurs compagnies au sein d’un même projet est complexe et peut nuire à la transmission d’information quand il y a un problème. Le rapport de la commission d’enquête US publié en Janvier 2011[2] dit clairement que les failles de communication entre BP, Transocean et Halliburton ont été l’une des causes fondamentales de l’accident de BP dans le Golfe du Mexique.
– Un risque d’allongement des délais dans la mise en œuvre des grands projets: la pénurie de main d’œuvre devient une nouvelle contrainte qui s’ajoute à celles bien connues que sont les contraintes politiques et techniques. En effet, la diminution du nombre de personnes expérimentées capables de mener des projets complexes à terme pourra amener les compagnies à décaler certains projets. Cette probabilité est d’autant plus importante quand elles font appel aux sociétés de services pétroliers qui souffrent elles aussi de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. D’ailleurs, il n’est pas rare que des compagnies pétrolières réembauchent pour certains projets des retraités expérimentés.
Nous avons été frappés par le peu de transparence du secteur pétrolier sur leur politique sociale et notamment sur la pyramide des âges, indicateur clé pour apprécier la probabilité de pénurie dans le futur. C’est pourquoi il est important que les investisseurs demandent plus de transparence sur la façon dont les entreprises de ce secteur gèrent cette pénurie à venir dans les 10 prochaines années, afin de pouvoir apprécier par eux-mêmes les risques.
Ce texte est rédigé par AXA IM.
[1] The oil & gas global salary guide 2010, Hays & Oil And Gas Jobsearch, 2010
[2] Deep Water: The Gulf Oil Disaster And The Future of Offshore Drilling, National Commission on the BP Deepwater Horizon Oil Spill And Offshore Drilling, January 2010