Evaluation ESG des Pays : une autre façon de noter les Etats

Alors que la Recherche ISR s’est beaucoup concentrée, ces dernières années, sur les entreprises, qu’elles soient cotées ou émettrices, elle a prêté peu d’attention à l’analyse ISR des pays.

Aujourd’hui en effet, les méthodes d’évaluation ISR des entreprises se sont développées en étant de plus en plus utilisées par les analystes, gérants et investisseurs ; le mouvement de tendance vers l’intégration des données ESG dans la gestion « mainstream » se poursuit. Cette évolution structurelle va inévitablement impacter les obligations des Etats à plus ou moins brève échéance. Nous observons d’ailleurs à ce sujet une émergence de la demande des investisseurs en faveur d’un système de rating pays sur leur performance ESG qui viendrait compléter le rating strictement financier sur leur capacité à rembourser.

Le retard pris par la communauté financière dans l’évaluation ESG des pays est dû à un certain nombre de freins :

  • Frein politique : comment évaluer un pays sur des dimensions environnementale, sociale et de gouvernance sans porter un « jugement » politique.
  • Frein économique : le marché financier porte déjà un jugement sur la « responsabilité » des gouvernements en termes de capacité à gérer la macro économie qui se reflète dans la prime de risque.
  • Frein d’influence : contrairement aux entreprises, que l’investisseur et l’actionnaire peuvent influencer par le dialogue, l’engagement, ou à l’aide des droits de vote, il ne peut y avoir d’influence directe des investisseurs sur les Etats sur des sujets tels que l’éducation, la santé ou la gouvernance, par exemple. C’est en effet un rôle dévolu au parlement et aux élections démocratiques.
  • Frein financier : il n’est pas établi pour le moment de lien entre les dimensions ESG d’un pays et son rendement.

Ces freins ne sont pas insurmontables : pour éviter le risque « jugement politique », les données doivent être quantitatives, objectives, vérifiables et mesurables. Ainsi, pour l’environnement, les données sur les émissions de CO2 ont le mérite de répondre à ces critères et correspondent à de véritables externalités.

Pour le Social, l’ONU a développé une base de données intéressante sur le Développement Humain des Pays avec des indicateurs comme l’éducation, mesurée par le nombre d’années de scolarisation,  la Santé, mesurée par l’espérance de vie à la naissance, ou encore le revenu minimum décent, que l’on mesure par le PIB par habitant.

Sur la Gouvernance, la Banque Mondiale met à la disposition du public une batterie d’indicateurs qui vont de la démocratie à la qualité des lois et la capacité à les appliquer, la lutte contre la corruption, etc.

Il est donc bien possible de noter les Etats sur les critères E, S et G. Cependant, pour éviter l’impact du cycle économique sur certains indicateurs comme les émissions de CO2, qui peuvent fausser le résultat, il est important d’analyser ces données sur une période de cycle suffisamment longue. Par ailleurs, pour une comparaison pertinente des pays entre eux, il est nécessaire de corriger les spécificités d’un pays comme le nombre d’habitants ou son revenu.

En utilisant ces données, on note qu’au sein des économies avancées, l’Europe se positionne favorablement sur sa  performance environnementale face à des pays tels que les Etats-Unis et l’Australie, dont l’efficacité énergétique est médiocre. L’Europe reste également au-dessus de la moyenne des économies avancées sur le plan de la Gouvernance mais il est à souligner que l’écart de performance sur cette dimension entre l’Europe et le reste du monde s’était nettement réduit sur les dernières années, en particulier depuis 2008. Enfin, les pays Européens affichent une performance sociale légèrement moins bonne que celle des économies avancées en moyenne et ce, sur les trois dimensions Santé, Education et Niveau de vie.

Ce texte est rédigé par AXA IM