New-York : de gens et d’argent !

New-York, décembre 2011. Douze sociétés belges sont présentes à Wall Street pour une opération de charme auprès des investisseurs américains. Lors de ce « Belgian Day » organisé comme chaque année par NYSE Euronext Bruxelles, quelques représentants des sociétés du BEL 20 viennent se présenter aux financiers de New-York. Il s’agit de nouer ou de renouer des contacts avec des investisseurs en vue d’élargir la base de l’actionnariat pour financer des opérations futures. Dans ce centre de la finance, bâti à l’image d’un temple grec, large, solide et massif, il s’agit donc de se montrer. Costume-cravate, chaussures bien cirées, discours préparés, ces dirigeants sont à la recherche d’argent pour financer leur activité. La situation n’est pas facile, on parle de crise de l’euro et il faut espérer que grâce à la diminution des valorisations, les gestionnaires reviennent investir en Belgique, pays de moyennes et petites capitalisations. Ici se joue le jeu ancestral du libéralisme, de l’offre et de la demande dans la certitude d’un système établi depuis plus de deux siècles. Ce sont les financiers.

A quelques encablures de là, dans Zucotta Park sur Liberty Street, les indignés de New-York s’installent pour la journée. Ce mouvement qui a démarré le 17 septembre dernier entend occuper l’espace public pour protester contre le néolibéralisme et pour servir les intérêts de 99% de la population exploitée par le pourcent restant. Allure mai 68, entre altermondialiste et hippie, Jason, un indigné, nous confie ses convictions sur ce mouvement de libération. « Notre mot d’ordre est la constante vigilance. Nous voulons créer un espace public et ouvert, sans murs, un lieu de dialogue. Nous n’avons jamais dit que nous avions la solution à la crise mais nous pensons que nous pouvons trouver la solution ensemble. La convergence de luttes sociales isolées est le plus grand espoir de ce mouvement ». L’espace ouvert et transparent s’oppose symboliquement à Wall Street. Des groupes de travail et de discussion s’organisent et un appel à étendre ce mouvement (qui a déjà fait tache d’huile dans le pays) à d’autres lieux publics de Downtown et Midtown est lancé pour le 17 décembre prochain. Ici se joue le jeu d’une nouvelle génération dans l’incertitude du lendemain et les certitudes de valeurs à défendre. Ce sont les indignés.

Plus tard, dans un Starbuck Coffee sur Lexington Avenue, rencontre avec Jeremy, grand ado de 27 ans, graphiste belge ayant étudié à San Francisco. Les étincelles de la jeunesse brillent dans ses yeux. Il a décroché un job chez Foursquare, un site qui permet de retrouver ses amis dans les lieux visités à travers le monde. Il émane de lui le bonheur et l’enthousiasme de vivre à New-York. Sa petite amie étudie à Rhode Island et, bientôt, ils s’installeront ensemble dans la ville qui ne dort jamais. Ici se joue la création de nouveaux produits et services pour un futur convivial, par une génération qui éprouve ce sentiment que le monde lui appartient parce qu’elle a 20 ans et n’a pas encore vécu de revers importants. Ce sont les illuminés.

Patrick nous rejoint sur son scooter et nous emmène faire une insolite randonnée dans le New-York inconnu des tour-opérateurs. Ancien familier du monde de la finance, c’est l’amour qui l’a conduit aux Etats-Unis. Après un an de mariage, le rêve amoureux s’effondre et ce Belge se transforme en guide à New-York pour le plus grand plaisir des voyageurs qui ont le bonheur de le rencontrer. En balade sur la High Line, cette voie de chemin de fer réhabilitée en jardin suspendu, il nous fait découvrir sa passion pour cette ville, sa crainte de ne pas pouvoir renouveler sa carte verte et nous livre ses confidences sur les New-Yorkaises ! Ici se joue l’intimité de New-York, ses repères cachés qui se révèlent au coin d’une rue, là se joue le destin de ceux qui attendent la reconnaissance du système pour pouvoir continuer à y travailler. Ce sont les initiés.

A la frontière de Soho et de Chinatown, Yvette la petite chinoise de 50 ans, reçoit ses clients derrière le comptoir de sa minuscule boutique de 3 mètres de large. Yvette est discrète et seule pour servir ses délicieux cafés. Elle travaille 10 heures par jour, a voulu emménager dans du plus grand, du plus beau, juste de l’autre côté de la rue mais, après avoir effectué des travaux, l’urbanisme lui a refusé les aménagements. Yvette, humble et discrète, est retournée dans son tout petit café, à la grande joie de ses clients pour qui du plus grand, du plus beau aurait dénaturé l’âme du lieu. Ici se joue le dur labeur de chaque instant pour survivre dans Big Apple. Ce sont les intégrés.

Retour à l’hôtel dont la chambre offre une vue plongeante sur la plaie béante de Ground Zéro. Grues et pelleteuses, dinosaures des temps modernes, et hommes casqués de jaune s’activent à déblayer ce trou du désastre. Ici, se bâtit le lieu désormais dédié à la mémoire du sacrifice vers lequel convergent des touristes qui payent le droit de regard sur ce tombeau des sinistrés.

New-York, ville aux mille visages où rêves, attentes et illusions se mêlent étroitement aux questions d’argent, se révèle par petites touches.  Ici se joue le rêve américain.

 

 

 

 

 

3 réponses sur “New-York : de gens et d’argent !”

  1. Tu m’en avais donné hier le parfum, je t’envoie aujourd’hui les roses!
    Bravo et merci pour cette belle découverte à travers NYC que je ne connais toujours pas…

    Sand

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